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21 août 2019

La tentation du corps

Loin des représentations anciennes, les créateurs contemporains morcellent et fragmentent le corps.

 

 

Aujourd’hui, la représentation du corps humain est peu commune chez les joailliers. Ils préfèrent les animaux, les végétaux et les motifs abstraits à quelques exceptions près.

 

La figure dans l’histoire

Jusqu’au 20e siècle, les figures humaines étaient omniprésentes : des profils de princes, des déesses et des portraits d’enfants sont gravés sur des camées ou délicatement peints en émail. La bague formée par deux mains jointes est aussi un classique. Au début des années 1900, le maître incontesté en est René Lalique avec des corps de femme aussi sublimes qu’inquiétants. Nus et contorsionnés, ils sont hybridés avec ceux d’une libellule ou d’une orchidée. « Affirmer son pouvoir, faire perdurer une présence ou encore afficher une appartenance : toutes ses représentations du corps sont riches de significations bien plus que les végétaux et les animaux », explique Evelyne Possémé conservateur au Musée des Arts Décoratifs et auteur du livre « Figures ».

 

Le corps aujourd’hui

Van Cleef & Arpels reste fidèle à sa ballerine créée dans les années 1940. Marc Auclert et Hannah Martin intègrent des camées dans des montures contemporaines. D’autres font voler en éclat les représentations classiques, ils donnent du corps une image stylisée et abstraite. Chez Mara et Persée, les créatrices revendiquent les influences de Picasso et de Matisse : visages et profils tracés par le mouvement d’un fil d’or évoquent les dessins au trait. Matisse inspire aussi la créatrice norvégienne de Bjørg : ses corps nus rappelant « Les Acrobates » ou encore « La Danse » se séparent en boucles d’oreilles, se mettent à genoux et écartent les bras en croix pour se transformer en pendentif-lettre A, B ou encore V.

 

La fragmentation anatomique à la Magritte

Ne garder qu’un morceau du corps : l’œil, le nez…. Alice Waese a sculpté des pieds et des mains. Solange Azagury-Partridge transpose la bouche en bague en émail rutilant qui n’est pas sans rappeler celle de Mae West métamorphosée en canapé par Dali. Dans un autre registre, organique et moins consensuel, la créatrice anglaise revisite le cœur en or pourvu de veines, d’oreillettes et d’aortes. Plus vrai que nature, il fait écho aux sexes féminins moulés de Carole Deltenre ou aux rognures d’ongle montés en collier par Nanna Melland. De quoi en rester bouche bée.

 

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