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24 novembre 2016

Le bijou et le Japon

Jusqu’au XIXe siècle, c’est-à-dire à l’ère Meiji, le bijou est quasiment inexistant au Japon. Et pourtant ce pays a énormément influencé les joailliers français.

 

Un bijou quasi-inexistant

Le kimono très couvrant, avec des manches ultra longues, laisse peu de place aux bracelets et aux colliers. Ce sont le obi (la ceinture) et les tissus avec leurs motifs et leurs couleurs qui donnent des indications sur le statut social, la richesse et le goût. Selon Gislain Aucremanne, historien et professeur à l’École Van Cleef & Arpels, « il n’y a pas de mines de pierres précieuses au Japon, ce qui explique aussi cette absence ».

 

Les ornements de cheveux, l’unique parure féminine

Sur les estampes, les cheveux tirés, huilés et arrangés en chignons sont décorés de pics en corne, de fleurs en soie ou de peignes. Avec leurs dents représentant les rayons de la lumière, ces derniers permettraient de communiquer avec les puissances naturelles. La très belle collection d’environ deux cents pièces du musée Guimet montre la richesse de leurs décorations.

 

Les influences japonaises dans le bijou

Les joailliers français s’imprègnent des représentations stylisées de la nature qu’ils voient dans la revue Le Japon artistique de Samuel Bing et dans le pavillon japonais à l’Exposition universelle de 1867. Ils réinterprètent la fleur de cerisier, le magnolia, la glycine, ainsi que le chrysanthème, symbole de la famille impériale. Ils reprennent les motifs de coqs, de bambous, d’herbes aquatiques. Les décorations des inrô en laque, ces petites boîtes accrochées sur le obi et formées par des compartiments qui s’emboîtent les uns sur les autres, sont aussi des sources d’inspiration tout comme celles des gardes de sabre (tsuba). René Lalique a créé des broches avec la même forme ronde, dotée d’un orifice central, pour le passage de la lame.

 

Lalique, le plus japonais des joailliers français ?

Pas sûr. Lucien Falize, et Henri Vever, aujourd’hui méconnus par le grand public, furent également très influencés par l’esthétique de ce pays. Selon Évelyne Possémé, conservatrice en chef du musée des Arts Décoratifs et responsable du département Art nouveau et bijoux, « Lucien Gaillard est celui qui pousse le plus loin cet esprit japonisant. Il a parfaitement compris l’esprit de l’art japonais et sa qualité principale : la lisibilité instantanée, claire, nette du dessin ».

 

La passion du diadème

Elle a commencé en 1889, pendant l’ère Meiji, quand lors des représentations officielles, l’impératrice abandonne sa robe traditionnelle pour un manteau de cour et un diadème. Il s’agit alors de réchauffer et de consolider les relations politiques et diplomatiques avec l’Occident. « Cette fascination est favorisée par la tradition du bijou de cheveux », précise Gislain Aucremanne. En 2007, la plus belle des expositions sur les diadèmes, qui a lieu à Tokyo, présente des modèles légendaires de Cartier, Mellerio ou encore Chaumet avec le Bourbon-Parme et l’aigrette Marie Stuart. Aujourd’hui, pour satisfaire cette insatiable passion, le joaillier japonais Tasaki prête un diadème, pour tout achat d’une bague de fiançailles et d’alliances.

 

Le goût d’aujourd’hui

Le Japon représente entre 10 et 15% du marché de la joaillerie. Dans un pays où le minuscule est roi (de la gastronomie au jardin), les femmes consomment des bijoux de petite taille et sont attentives au moindre détail. Elles perçoivent immédiatement une ciselure, une courbe, un reflet. Elles raffolent aussi des séries limitées. « La bague de fiançailles, elle, représente 90% des bagues vendues et elle vient forcément d’une grande marque car c’est un marché très marketé », précise un acteur du secteur. Les best-sellers : la « Love » de Cartier, la « Quatre » de Boucheron et la « Coco Crush » de Chanel en version XS.

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