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09 décembre 2016
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DA ou pas DA ?
Aurélie Bidermann, vient d’être nommée directrice artistique de la maison Poiray. Cette annonce confirme un phénomène venu de la mode.
Quand ce métier n’existait pas…
On a du mal à l’imaginer, jusque dans les années 1990, les joailliers n’avaient pas de créateur en interne : ils collectaient des esquisses auprès de dessinateurs anonymes travaillant dans leurs ateliers de fabrication. Puis M. Arpels, M. Boucheron ou M. Chaumet les annotait, modifiait une pierre ou une proportion. Quand les groupes internationaux (LVMH, Richemont, Gucci Group) ont racheté ces maisons, ils ont intégré la création comme dans les maisons de mode. En 1999, LVMH pour lancer le département joaillerie de Christian Dior est allé jusqu’à appliquer une recette déjà éprouvée : mettre en avant un créateur-star, une figure de proue de la marque avec Victoire de Castellane.
Les grands noms de la joaillerie
Depuis, les expériences se sont multipliées. Louis Vuitton a lancé sa joaillerie sous la houlette de Marc Jacobs avant de nommer Lorenz Bäumer, qui s’en est allé après quelques collections. Lucia Silvestri dessine aujourd’hui les collections de Bulgari et Pierre Hardy celles d’Hermès, en plus des souliers. Chez Boucheron, Solange Azagury-Partridge qui a finalement préféré se concentrer sur sa marque à Londres, a été suivie de Claire Choisne.
Quel est son rôle ?
Le directeur artistique a un défi difficile à relever : concilier les contraires, s’inscrire dans la tradition de la maison, respecter son ADN et son histoire tout en répondant au souci de nouveauté et de modernité. Comme dans la mode, le directeur artistique doit créer des collections à un rythme accéléré, trouver l’équivalent d’un it bag. Dans le jargon professionnel, on appelle ça le « bread and butter ». Selon les maisons, le directeur artistique peut aussi incarner la marque pour des reportages en Inde ou au Sri Lanka pour promouvoir les pierres exceptionnelles de la maison, rencontrer les clients et dans les soirées, poser aux côtés des people pour occuper les réseaux sociaux. Parfois moins idyllique qu’on ne pourrait l’imaginer…
Le bijou qui marche
Certains directeurs artistiques l’ont trouvé. Victoire de Castellane a provoqué de véritables phénomènes avec sa « Mimioui », une fine chaîne ornée d’un micro-diamant devenue la néo-bague d’engagement ou son alliance figurant une tige de rose. Chez Boucheron, Solange Azagury-Partridge a imaginé la bague « Quatre », composée de quatre anneaux de différentes couleurs d’or texturé. Le succès est tel que beaucoup aiment affirmer avoir assisté à sa naissance en direct, dans son bureau. Dernier succès en date : la collection de Francesca Amfitheatrof chez Tiffany & Co., formant un T qui se décline à l’infini.
À chacun sa formule
Boucheron a longtemps oscillé entre mettre en avant Claire Choisne ou pas. Chanel, Cartier et Van Cleef & Arpels ont toujours revendiqué l’équipe de dessinateurs in house. Car pour Nicolas Bos, président de Van Cleef & Arpels et directeur de la création, « un bijou n’est pas créé par une seule personne : il fait appel à un processus, à divers savoir-faire détenus par l’acheteur de pierres, le lapidaire, le graveur et encore le sertisseur travaillant ensemble sous la direction d’un chef d’atelier ». Pour l’instant, la joaillerie a évité le directeur artistique excessif et hystérique tendant à éclipser la maison comme un John Galliano, un Karl Lagerfeld ou un Riccardo Tisci. Ce monde feutré et centré autour d’un bijou-investissement aux prix astronomiques, semble plus raisonnable que la mode.