Style

11 juillet 2023

Jonathan Bréchignac, artiste minéralogiste

L’artiste contemporain français Jonathan Bréchignac crée des minéraux imaginaires inspirés par des phénomènes naturels fascinants et mystérieux.

Par Sandrine Merle.

 

 

« Sailing Stones »

Vous pensiez que les pierres étaient solides, inertes et immobiles ? Qu’elles ne ressentaient rien ? La première série de Jonathan Bréchignac, entamée en 2017, s’intitule « Sailing Stones » ouvre le champs des possibles. De fausses vraies pierres en résine avancent, seules, sans être soumises à aucune force apparente. Très légères, elles semblent vivantes grâce à des roulettes et un logiciel leur permettant d’évoluer dans l’espace. Jonathan Bréchignac les a imaginées à partir d’un phénomène géologique incroyable, resté longtemps inexpliqué : le déplacement de roches de plusieurs dizaines de kilos (voire des centaines) formant de longues traces dans un lac asséché de la Death Valley.

 

« Alien Rocks »

Les « Sailing Stones » l’ont naturellement amené à se questionner sur les roches du futur ou celles existant dans des mondes parallèles : à quoi pourraient-elles ressembler ? Les « Alien Rocks », de fausses pierres en résine moulée à partir de vraies, sont peintes comme des ailes de coléoptères. Elles sont aussi caractérisées par des strates aux couleurs synthétiques et phosphorescentes. Sublimes et improbables hybridations de l’azurite, de la cobaltocalcite et autre chrysocolle ; beautés énigmatiques destinées à tromper les perceptions. Elles rappellent des strates géologiques altérées par les phénomènes tectoniques, magmatiques, sédimentaires, etc. Elles évoquent aussi le plastiglomérat, roche née de plastique fondu s’agrégeant aux pierres naturelles, au sable, aux coquillages, etc.

 

« Primal Lutum »

Son approche prend une nouvelle dimension avec la troisième série, « Primal Lutum » : il convoque l’argile crue de potier ou récoltée dans la nature. Sous cette matière craquelée, il place un matériau iridescent puis recouvre le tout de vernis transparent pour restituer la beauté magnétique de l’opale boulder matrix d’Australie. « J’ai découvert cette pierre, enfant, lors d’un voyage en Australie. J’ai ensuite passé des années à observer les effets de ses veines emprisonnées dans du minerai de fer », explique ce presque quadra, ancien publicitaire issu d’une famille « plutôt scientifique ».

 

Jeu sémantique

Jonathan Bréchignac n’est pas militant mais ses œuvres appellent une prise de conscience. La vulnérabilité de la nature se manifeste grâce à de multiples références ancrées dans l’anthropocène, époque géologique caractérisée par l’empreinte de l’homme devenu la principale force de changement sur Terre. « Un thème central dans mon travail », précise-t-il. Il joue avec la sémantique, il rajoute des strates de sens au fil de ses explorations de la matière. Il a nommé l’une de ses « Alien Rocks », « Larmes de Sirène », en référence aux microbilles de plastique qui polluent les océans.

 

Jonathan Bréchignac ouvre ainsi de nouvelles perspectives sur le règne du minéral. Ce passionné qui arpente le musée des Mines, orchestre la rencontre entre l’organique et la technologie, l’illusion et la science ; il est à la croisée du gemmologue, du lapidaire, du scientifique. Son travail est une ode au bizarre, une exploration fascinante de minéraux venus d’ailleurs. Ce qui aurait forcément plu au grand Roger Caillois.

 

Prochaine exposition, « God ! Please. We’re all stupid ! » du 16 novembre au 19 décembre 2023 à la Maison de l’Université de Rouen.

 

Article relatif à ce sujet :

La collection de Roger Caillois dans l’exposition « Pierres Précieuses »

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