Itinéraires joailliers
06 mai 2021
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Il y a 150 ans, quand la colonne Vendôme était à terre…
La colonne Vendôme, monument à la gloire de Napoléon, a été démolie pendant le soulèvement de la Commune de Paris. Il y a pile 150 ans…
Par Sandrine Merle.
16 mai 1871. Grâce aux précieux clichés de Bruno Braquehais, l’un des premiers photo-journalistes, on imagine l’ambiance… Dès 14h, les ouvriers et Jules Iribe, l’ingénieur en charge de la démolition, s’activent. Vingt mille personnes, sur la place mais aussi aux fenêtres de la rue de la Paix ou de la rue de Castiglione, scandent chants et hymnes. Ils sont venus voir la démolition de la colonne Vendôme qui, vers 17h15, s’écrase sur le sol tapissé de fumier. Sous les hourras de cette foule, la statue de Napoléon en César tenant la main de justice et le sceptre git sur le dos, la tête sectionnée du côté de la rue de la Paix. Le drapeau rouge est érigé sur le socle de la colonne. Des badauds se précipitent pour ramasser des trophées…
Des joailliers sur la place ?
À l’époque, aucun joaillier n’a pignon sur la place Vendôme, tous sont encore au Palais-Royal. Excepté Gabriel Lemonnier, le joaillier officiel de Napoléon III, c’est lui qui a dessiné la couronne de l’impératrice Eugénie ainsi que son diadème en perles. Il est installé au numéro 25, à l’angle de la rue Capucine où se trouvent aujourd’hui Bulgari et l’Hôtel Mansart. Mais quand la colonne s’écroule, il a déjà fui avec sa famille effrayé par les violents heurts qui se sont produit sous ses fenêtres. Il ne reviendra jamais car son affaire ne survécut pas à la chute de l’empereur. Et c’est seulement 20 ans plus tard que Boucheron s’installe place Vendôme.
Pourquoi cette démolition ?
Cet acte est considéré comme le plus théâtral, le plus spectaculaire de la Commune de Paris, mouvement insurrectionnel éclair qui s’oppose au gouvernement de la IIIe République proclamée en pleine guerre franco-prussienne. Car ce « totem » est, pour les Communards, le symbole absolu de l’impérialisme et du pouvoir. Napoléon 1er l’a en effet construite avec le bronze des canons pris aux armées autrichiennes et russes lors de la bataille d’Austerlitz. Bronze qui après l’effondrement sera transporté à l’Hôtel de la Monnaie pour y être fondu.
Le coupable, Courbet ?
Le peintre Gustave Courbet est associé à la Commune à laquelle il prit une part active : c’est ce qui lui vaut d’être accusé par la République de la démolition de cette colonne Vendôme. Mais son rôle est controversé : l’artiste proche des milieux proudhoniens, socialistes et anarchistes ne semble pas y avoir participé mais, il avait lancé quelques temps auparavant, une pétition réclamant au gouvernement de la Défense nationale de « mettre à bas » ce symbole impérial. Condamné à payer sa reconstruction, Courbet s’exile en Suisse où il meurt juste avant d’avoir payé la première traite.
Six jours après cette chute, l’Assemblée de Versailles décida de reconstruire la colonne. À peine deux ans plus tard en 1873, le maréchal de Mac-Mahon la fit reconstruire à l’identique. C’est celle qui trône encore aujourd’hui sur cette célèbre place, devenue l’épicentre de la joaillerie française.
Photo en bannière : Barricade place Vendôme, après la destruction de la colonne Vendôme lors de la Commune de Paris le 16 mai 1871, 1er arrondissement, Paris © Musée Carnavalet, photo François Gobinet de Villechole, dit Franck
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