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19 janvier 2017
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the french jewelry post, invité du catalogue Artcurial
C’est un honneur d’être l’invitée de ce catalogue Artcurial qui rend compte du caractère exceptionnel de la vente « Un hiver précieux sur le Rocher » organisée au Yacht Club de Monaco, l’une des plus prestigieuses de l’année. Voici les textes qui y figurent et que j’ai spécialement écrits pour lui.
L’édito
Le catalogue de vente aux enchères m’a toujours fascinée en lui-même. En mesure-t-on sa juste valeur ? Il est loin d’être un simple outil parfaitement descriptif de bijoux assortis d’estimations et de numéros d’ordre de vacation. S’y mêlent également rêve et imagination. Les bijoux sont à la fois « navigation et boussole », pour reprendre l’expression de Roger Caillois : ils font voyager et sont la destination du voyage.
Je trouve dans le catalogue un éclectisme et une richesse qui n’existent nulle part ailleurs, sauf dans les musées. J’ignore ce que j’admire le plus, les pierres, le travail de l’homme qui les a manufacturés ou la source d’inspiration. Comment ne choisir que quelques bijoux parmi des centaines ? J’ai d’abord cherché un équilibre entre les époques, les esthétiques, les couleurs et les formes, avant de me laisser guider par mes goûts. Il y a une part d’injustice, comme dans tout palmarès : d’autres pièces auraient mérité d’être là, comme le clip « Lion ébouriffé » de Van Cleef & Arpels ou le collier Napoléon III avec ses camées.
J’ai tenu à ce que ces bijoux soient mis en scène par Tom et Karina, les photographes d’AlmaKarina. Grâce à leur vision aussi précise que poétique, épurée et magnétique, chaque bijou entre en communion avec les forces élémentaires composant la nature. La beauté de leurs images est à la hauteur de notre éblouissement.
Bon voyage.
Broche « Plume », Boucheron
Un défi : restituer la fragilité et l’extrême légèreté de la plume avec les matériaux très durs que sont l’or et les pierres précieuses. Dans les années 1960, la maison Boucheron l’a travaillée en volume, comme une sculpture. Duvet et barbules, illuminés par des diamants, sont si fins qu’ils semblent prêts à frémir au moindre souffle d’air. Au fil du temps, la plume s’est affirmée comme un motif idéal pour démontrer ses savoir-faire. Elle est aujourd’hui une épreuve reine qui se prête à d’infinies interprétations joaillières.
Broche-pendentif, Pol Bury
De fines baguettes mobiles positionnées au centre d’un miroir concave intriguent et parlent de l’œuvre globale de l’artiste Pol Bury. Influencé par Calder et considéré comme l’un des pères de l’art cinétique, Pol Bury a créé des œuvres et des bijoux autour des apparences et des illusions. Cette broche-pendentif, expérimentation poétique, interroge le déséquilibre dans le mouvement jusque dans ses vibrations les plus subtiles.
Collier, Suzanne Belperron
Dans l’écrin, ce bijou portait l’étiquette « Collier égyptien ». Impossible de dire pourquoi, mais une chose est sûre : en arc de cercle souligné d’une ligne de diamants taillés à l’ancienne, ce tour de cou est emblématique du goût de Suzanne Belperron pour les bijoux ethniques. Elle a admiré maintes fois ceux du musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon, où elle étudiait. Ce collier porte le poinçon de l’atelier Groëne et Darde, qui a réalisé les plus belles pièces de Suzanne Belperron jusqu’au début des années 1950. Cet atelier possède un rôle fondamental dans son œuvre, car c’est la main de ses artisans qui a interprété le dessin par la délicatesse du serti, la façon de travailler l’or ou de rendre la fluidité d’une ligne de diamants.
Bague, Buccellati
Cette bague est signée du joaillier italien Buccellati, surnommé « le Prince des orfèvres » par Gabriele D’Annunzio. Depuis le XIXe siècle, Buccellati s’attache à restituer la trame des étoffes les plus délicates. Travaillés en correspondances par les mains divines des artisans, les ors jaune, blanc et rose mis en relief dégagent un extrême raffinement, une sensualité folle. Ils sont texturisés, sablés, gravés ou brossés. Ils sont allégés, ajourés et transformés en dentelle ou en résille. Ils miment une soie damassée digne de la Renaissance italienne ou un lin patiné par le temps. Délicatement ouvragées, les pièces contemporaines sont teintées de cette éternelle poésie.
Broche, Johann Michael Wilm
Que nous dit cette broche créée en 1935 ? Œuvre du joaillier Johann Michael Wilm, ce dôme en or repoussé et filigrané, figurant des feuilles parsemées de diamants et de perles, nous emmène en Allemagne. On l’ignore souvent, ce pays est riche d’une tradition joaillière due à l’existence de mines d’argent et de pierres précieuses. À Dresde, la richesse des princes de Saxe alimentée par leur exploitation rayonne encore grâce à la somptuosité des cabinets de curiosités, des collections de joyaux, de minéraux et d’orfèvrerie exposés dans la Voûte verte.
Bracelet « Serpent », anonyme
Ce bracelet serpent des années 1950, au corps couvert d’écailles en or ciselé, est si souple qu’il s’allonge et s’enroule trois fois sur lui-même. Lascif et sensuel, d’une inquiétante beauté amplifiée par l’œil unique en saphir ovale serti de diamants, il est fait pour les fortes personnalités. Dans l’histoire de la joaillerie, le reptile est l’apanage des demi-mondaines, des actrices et des femmes sulfureuses, comme Sarah Bernhardt, Mata Hari ou encore Elizabeth Taylor.