Style

03 avril 2017

Mucha et les bijoux Art nouveau

Alfons Maria Mucha, connu pour ses affiches publicitaires et ses panneaux décoratifs, a aussi joué un rôle essentiel en joaillerie, notamment grâce à sa collaboration avec le bijoutier Georges Fouquet.

 

Mucha et Sarah Bernhardt

Alors qu’il connaît le succès avec ses illustrations au début des années 1890, Mucha entame une collaboration avec la comédienne Sarah Bernhardt pour l’affiche de Gismonda. Il la représente en costume et déploie courbes, éléments floraux et orientaux. Pour Lorenzaccio, Mucha dessine autour de son cou un large collier dont les motifs font écho au brocart du costume tandis que sur l’affiche Sarah Bernhardt en Mélissinde, Mucha la pare d’un diadème en pierres précieuses et perles surmonté d’une étoile. Son corsage est couvert d’une parure de perles et de gemmes aux teintes pastel formant des motifs circulaires.

 

Parures d’allégories

Mucha réalise des affiches publicitaires et des panneaux décoratifs, parmi lesquels Zodiaque et Têtes byzantines. Les ornements de cheveux complexes portés par les jeunes femmes foisonnent de détails et témoignent de l’importante imagination de Mucha dans le domaine de la joaillerie. Pour la revue d’art La Plume, Mucha représente à nouveau ces ornements, principalement composés de larges disques sertis de pierres colorées et garnis de chaînes. Ces parures précieuses participent à la création de figures allégoriques : des personnifications intemporelles et poétiques de différentes entités abstraites telles que La Musique ou La Peinture (série « Les Arts »), ainsi que d’éléments végétaux et minéraux comme L’Iris (série « Les Fleurs »), Le Rubis et L’Améthyste (série « Les Pierres précieuses ») ou encore Primevère.

 

Mucha et Fouquet

L’une des pièces majeures de Mucha, commandée par Georges Fouquet pour Sarah Bernhardt, date de 1898. Il s’agit d’un bracelet en forme de serpent assorti d’une fine chaîne qui le relie à une bague. Il est l’interprétation de celui porté par Sarah Bernhardt grimée en héroïne tragique sur l’affiche de Médée. La collaboration de Mucha avec Fouquet s’intensifie lors de l’Exposition universelle de 1900, avec des créations réalisées dans des matériaux tels que l’émail, l’or et la nacre, garnies de chaînes et de pierres semi-précieuses. Elles reprennent les éléments de son vocabulaire esthétique, notamment les arabesques, les figures féminines aux longs cheveux dont les entrelacs font écho à ceux des étoffes et les motifs végétaux et orientaux, pour former des pendentifs, des agrafes de corsage, des broches, des bagues… Dont on retrouve une réinterprétation en 1908, sur son affiche pour la pièce Kassa : la comédienne américaine Leslie Carter porte une agrafe de corsage dont le médaillon semble reprendre les figures féminines en émail réalisées avec Fouquet.

 

La boutique de Fouquet

En 1901, Mucha conçoit la nouvelle boutique du bijoutier, au 6, rue Royale, décrite par Henri Vever comme une « installation somptueuse et d’une élégance inédite et raffinée » (cf. La Bijouterie française au XIXe siècle). La boutique, s’assimilant à une véritable œuvre d’art, est un manifeste de son esthétique : sur la façade, dix médaillons laissant voir des figures féminines encadrent un bas-relief en bronze représentant une jeune femme, tenant dans ses mains de longs et imposants pendentifs. En 1923, les éléments décoratifs réalisés par Mucha sont enlevés avant d’être donnés par Fouquet au musée Carnavalet, où l’on peut actuellement voir une reconstitution de la boutique.

 

Les Documents décoratifs

Dans les soixante-douze planches des Documents décoratifs, publiés en 1902, Mucha représente des études de figures féminines et de motifs végétaux, ainsi que des dessins d’objets décoratifs dont l’aspect découle des études précédentes. Parmi ces objets, dans lesquels on compte du mobilier, de la vaisselle ou encore du papier peint, se trouvent de nombreux bijoux, dont certains purent être réalisés avec Fouquet et ainsi obtenir une existence en propre.

 

Par Suzy Piat

 

Image en bannière : « Rêverie » (détail), 1898 © Mucha Trust

Articles les plus lus

Ce qu’il faut retenir de la Jewelry Week – Paris, Juin 2024

La CAO (Création assistée par ordinateur) : un sujet encore tabou dans ce secteur associé au travail fait à la main par des artisans héritiers d’une...

Avec Tomohiro Sadakiyo chez Hum, à Tokyo

Le côté japonais de Hum, c’est le travail sur la couleur des métaux et sur les textures.

René Boivin, le mystère du bracelet "Torque"

Thomas Torroni-Levene le gardien du temple de la maison René Boivin, a voulu retracer l’histoire de ce bracelet.

Rencontre exclusive avec Shinji Nakaba, dans son atelier au Japon

En 2023, le Loewe foundation Craft prize a braqué les projecteurs sur Shinji Nakaba. Mais son travail est reconnu dans le milieu du bijou...

Les félins de Boivin

La maison René Boivin excelle dans les représentations de fleurs et les animaux. Parmi ces derniers, de magnifiques félins sont entrés dans l’histoire...

Emmanuel Tarpin, joaillier des ombres et lumières

Emmanuel Tarpin n’a pas cherché à faire écho aux magnifiques orchidées de Tiffany & CO. ou à celles de René Lalique, réalisées il y a plus d’un...