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10 janvier 2024
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Regarder d’un autre œil « Marie-Antoinette et ses enfants », le tableau d’Élisabeth Vigée Le Brun
Sur ce tableau, ce n’est pas la représentation de la Reine et de ses enfants qui m’intéresse. En regardant le très bon docu-fiction Le Fabuleux Destin d’Élisabeth Vigée Le Brun, peintre de Marie-Antoinette de Jean-Frédéric Thibault et Arnaud Xainte, j’ai eu envie d’en savoir plus sur le serre-bijoux situé à l’arrière-plan, dans la pénombre…
Par Sandrine Merle.
On a beaucoup commenté la composition de ce tableau datant de 1787 : la Reine y figure assise tenant Louis-Charles, futur enfant du Temple, sur ses genoux. À ses côtés se tiennent sa fille Marie Thérèse (« Madame Royale ») et Louis-Joseph, le dauphin qui mourra deux ans plus tard. Le berceau vide, lui, suggère la mort récente de Sophie-Béatrice, à l’âge d’un an. Un élément important se situe à l’arrière-plan, dans la pénombre : un serre-bijoux (un cabinet servant à ranger entre autres ses joyaux) aux battants décorés des armoiries royales. Il a été commandé par Louis XV à l’occasion du mariage de Marie-Antoinette avec son petit-fils, futur Louis XVI.
Faire oublier l’affaire du collier
« Commandé à la célèbre portraitiste Vigée Le Brun par les Bâtiments du Roi, ce tableau doit servir à réhabiliter la reine accusée de tous les maux », explique Geneviève Haroche-Bouzinac biographe de Vigée Le Brun. Faire oublier sa frivolité, ses dépenses et surtout, la fameuse affaire du collier… Depuis 1772, les joailliers Böhmer et Bassange sont en possession d’un fabuleux collier de plus de 2800 carats, réalisé à l’époque pour madame du Barry. Le commanditaire, Louis XV, ayant décédé avant sa livraison, les joailliers le proposent à plusieurs reprises, en vain, à Marie-Antoinette puis à Louis XVI. Marie-Antoinette le refuse à nouveau suggérant, (d’après madame Campan) d’utiliser plutôt l’argent pour la construction d’un navire… C’est alors que Jeanne de la Motte monte une énorme supercherie compromettant la reine pour le voler. Démasquée, Jeanne de la Motte est marquée au fer rouge du V de voleur et condamnée à la prison à perpétuité. On ne retrouvera jamais le collier et bien que totalement étrangère à l’affaire, la reine reste pourtant dans l’opinion coupable.
Ses enfants, ses seules richesses
Malgré sa passion pour les bijoux, Marie-Antoinette ne porte sur ce tableau qu’une simple paire de boucles d’oreilles. Une façon de dire à la postérité que ses enfants sont ses seuls trésors. Comme dans cet épisode de l’histoire romaine : Cornelli, mère des Gracques, à une amie venue lui montrer ses bijoux, répond en désignant ses enfants « voici mes richesses et mes plus beaux ornements ». Mais malheureusement « même dans la pénombre, ce meuble ne manque pas de rappeler la retentissante affaire du collier », explique Gwenola Firmin (conservateur en chef du patrimoine en charge des peintures du XVIIIe siècle au château de Versailles). La réhabilitation d’une reine dispendieuse en mère humble et aimante n’a pas eu lieu.
On a malheureusement perdu la trace de ce serre-bijoux après les ventes révolutionnaires en 1793. Mais en allant à Versailles, vous aurez l’occasion d’en admirer un autre, en acajou, que Marie-Antoinette fit réaliser en 1787. L’année de l’exécution de ce tableau.
Y aller : au Château de Versailles, le tableau se trouve dans les Grands Appartements, dans l’antichambre du Grand Couvert c’est à dire la première antichambre de l’appartement de Marie-Antoinette