Style

28 mai 2024

Avec Tomohiro Sadakiyo chez Hum, à Tokyo

Lors de mon dernier séjour à Tokyo, j’ai rencontré Tomohiro Sadakiyo, l’un des cofondateurs de Hum. Mais qu’y a-t-il de japonais dans cette marque ? Ce ne sont ni les formes ni les motifs : cela tient aux techniques du métal et à une philosophie.

Par Sandrine Merle.

 

 

J’ai rejoint la boutique et l’atelier de Hum (fredonner en anglais) en s’arrêtant à la station Harajuku en plein cœur de la capitale. L’un des deux fondateurs, Tomohiro Sadakiyo qui réalise les bijoux était là pour m’accueillir, Yuka Iinuma, la designer étant retenue à Kyoto. Tous les deux se sont rencontrés à l’école de joaillerie de Tokyo et ont lancé Hum en 2005. Tomo me fait d’abord visiter les ateliers où officient ses artisans. Le jour de mon passage, je rencontre donc une partie de l’équipe : Tomohiro, Hiroshi, Natuski, Satoshi… Puis direction la boutique très épurée, béton brut au sol et vitrines en bois avec une immense baie vitrée donnant sur des rangées d’établis.

 

Une inspiration européenne

Dans les bijoux de Hum, les inspirations japonaises ne sautent pas aux yeux. Aucune forme n’évoque l’inro (boîte accrochée à la ceinture de kimono des hommes) ou les kanzashi (épingles à cheveux). Pas davantage de motifs de chrysanthème ou de fleur de cerisier. Les collections présentent des formes occidentales comme les alliances, les bracelets à maillons, les solitaires, les néo chevalières formées par une pièce de monnaie antique, etc. D’ailleurs les références stylistiques revendiquées sont européennes. La collection Lace s’inspirent du style Guirlande qui fut en vigueur, en France, au début du XXe siècle avec ses arabesques, ses nœuds et sa dentelle d’or et de diamants. Les pièces de monnaie datent d’il y a 2 000 ans et la granulation est un hommage au style étrusque. La référence Art déco pour ses chaînes aux maillons (certes géométriques) apparaît cependant moins évidente pour un œil européen… Rappelons que ces types de bijoux (collier, boucles d’oreille, etc.) n’ont jamais existé au Japon : le pays n’a commencé à en réaliser qu’à la fin du XIXe quand il s’est ouvert à l’Occident. Et ils n’étaient destinés qu’à l’exportation.

 

L’esprit japonais

Le côté japonais de Hum, c’est le travail sur la couleur des métaux et sur les textures. Sur une seule et même pièce, l’or jaune est mélangé avec le platine ou l’argent parfois oxydé donc noir. Ce travail m’a immédiatement évoqué le shakudo, magnifique alliage de cuivre très foncé incrusté d’or traditionnellement utilisé pour les sabres. En effet les artisans, quand les samouraïs ont disparu à la fin du XIXe siècle, ont transféré leur savoir-faire sur les bijoux destinés à l’Europe. Tomohiro Sadakiyo en est un digne héritier : les bijoux de Hum sont minutieusement ciselés, martelés, gravés. Les pierres ne sont jamais retenues par des griffes trop agressives mais serties mille-grain autrement dit par des nano billes de métal précieux. Tout est d’une infinie délicatesse. Les Japonais et les Européens ne travaillent pas le métal de la même façon. Démonstration à l’appui, il se met à graver : effectivement, il tire son otafuku (marteau) vers l’arrière, à l’inverse des joailliers Français qui le poussent vers l’avant. « Le joaillier japonais crée des sillons plus courts ce qui donne plus de brillance », estime Tomo qui avec Yuka Iinuma a ouvert, en  2019, une école de joaillerie afin de transmettre les savoir-faire.

 

Idéaliser la nature

Les épingle à cheveux, peigne, inro étaient historiquement réalisés en écaille de tortue, bois laqué, corne, des matériaux non précieux. Et au fil des siècles, la culture japonaise est demeurée relativement imperméable au bijou statutaire, imposant et très empierré tel que nous le connaissons en Europe. Hum fait partie de la première génération de marques japonaises à vraiment utiliser des pierres précieuses. Mais au royaume du miniature et de la modestie, pas question d’utiliser des spécimens étincelants de plusieurs carats. Les diamants sélectionnés sont ceux traditionnellement destinés à l’industrie et la taille privilégiée est la taille rose c’est-à-dire à facettes irrégulières. La brillance est plus douce… « Comme dans un jardin japonais, on cherche à idéaliser la nature en limitant les artifices alors que dans un jardin à la française, on lui impose un ordre », conclue Tomohiro Sadakiyo.

 

Image en bannière : Tomohiro Sadakiyo © Sandrine Merle pour The French Jewelry Post

 

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