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09 avril 2023

Découvrir les bijoux contemporains dans l’exposition « Des cheveux et des poils »

L’exposition du musée des Arts décoratifs (Paris) présente des bijoux en cheveux, anciens et contemporains. Comment artistes et créateurs revisitent-ils aujourd’hui ce savoir-faire disparu au début du XXème siècle ?

Par Sandrine Merle.

 

 

Denis Bruna, commissaire de l’exposition, a réservé une salle au bijou en cheveux tressés, travaillés en résille, entrelacés dans une bague… Ce bijou mimant la passementerie est à son apogée au XIXe siècle pendant lequel il sert à témoigner l’amour entre amants, à se remémorer un moment ou à signifier le deuil d’un être cher. Indestructible ou presque, cette matière corporelle convoque l’immortalité : on peut encore voir les cheveux de Marie-Antoinette emprisonnés dans une bague (au musée Carnavalet). À la fois vivant et mort, le cheveu provoque souvent dégoût et rejet. « Étonnamment, il fascine de nombreux jeunes artistes et designers », note Denis Bruna. Comme l’explique très bien Ana Escobar dans le catalogue, « ils questionnent cette matière et l’interprètent en abordant des sujets d’identité, de mémoire, de genre, de politique et de tabous sociaux. » En voici cinq parmi ceux qui sont exposés.

 

Mona Hatoum

Artiste multimédia, née à Beyrouth de parents palestiniens, elle collectionne cheveux, poils et ongles. Ce collier, surréaliste et déroutant, évoque d’abord un collier de perles, alors qu’en réalité il s’agit de boules de cheveux. Il fait écho à celui du XIXème siècle, en résille, exposé dans la vitrine d’à côté. On se souvient que l’artiste avait notamment utilisé des cheveux de femmes pour un keffieh exposé au centre Pompidou en 2015.

 

Sonya Clark

Ce collier-couronne tentaculaire en cheveux crépus interroge sur la discrimination, l’identité raciale et les préjugés culturels. « Je travaille ce matériau depuis 25 ans : il dit tout de nous et de nos ancêtres », explique Sonya Clark. En Afrique, la façon dont on le coiffe permet de déterminer l’ethnie, le statut social, la richesse ou encore la religion. Les propriétaires d’esclave cherchaient, eux, à tout prix le moyen de faire disparaître cette forme d’identité en leur rasant la tête.

 

Kerry Howlay

L’artiste anglaise a passé 60 heures à tisser des cheveux récupérés auprès d’amis. Légèrement mousseux, son collier « Attirance et Aversion » porte divinement son nom ; il évoque de délicates dentelles en soie réalisées au XVIIIe siècle mais également une touffe dans la brosse à cheveux ou bloquée dans le siphon de la baignoire.

 

Mélanie Bilenker (vidéo en home)

Avis aux trichophobes : on reconnaît à peine la matière ! L’artiste-bijoutière américaine fusionne le portrait miniature de l’époque victorienne (acmée du bijou en cheveux) et la photographie contemporaine : elle vaque à ses occupations (mange du chocolat, écrit ou prend un petit-déjeuner) devant l’objectif. Puis « crayonne » ces scènes grâce à des fragments de cheveux collés un à un sur un fond en papier.

 

Erwan Palaric

Trois bijoux de cet artiste-bijoutier, le plus jeune d’entre eux, figurent dans l’exposition. Il revisite l’effet passementerie du XIXe siècle notamment avec des alliances réalisées avec des mèches d’amoureux qui s’apparentent à des rubans entrelacés dans le laiton. Sur la bague plateau en or, les mèches de ses parents récemment disparus, se mêlent poétiquement dans un point de croix revisitant les ouvrages du XIXe siècle.

 

Marisol Suarez

Lorsqu’elle travaillait chez Tony & Guy, Marisol Suarez repartait avec des sacs entiers de cheveux qu’elle tressait, brûlait, collait… Expérimentations qui l’ont amenée à créer de véritables œuvres d’art comme cette pièce exposée : l’extraordinaire coiffe formée par des tresses, clin d’œil aux poufs du XVIIIe siècle. Beaucoup plus adaptés au quotidien, ses peignes en cheveux destinés à discipliner la chevelure forment une sublime mise en abîme. De quoi définitivement réhabiliter ce matériau dans le bijou.

 

Image en bannière : Marisol Suarez

 

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