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15 juillet 2024

Les bijoux dialoguent avec le design contemporain, au musée des Arts décoratifs (Paris)

Cent bijoux ont quitté les réserves pour intégrer, pendant quelques semaines, les collections permanentes dans l’aile du Pavillon de Marsan, dédiées au design contemporain. Visite guidée.

Par Sandrine Merle.

 

 

Les conservateurs des différents départements du musée des Arts décoratifs n’ont pas placé leurs trésors au petit bonheur la chance dans les 9 salles dédiées au design contemporain, réparties sur les 5 étages du Pavillon de Marsan. Ils n’ont pas non plus systématiquement opté pour l’intégration thématique. Ensemble, ils ont tissé des liens et des correspondances entre bijou, mode et design contemporain à partir de libres associations. En voici quelques-unes.

 

7 raisons d’aller au musée des Arts décoratifs (Paris)

 

Au niveau 5

Dans la salle d’introduction

Douze broches et douze bagues de Jean Després s’inscrivent dans cette salle dédiée au Streamline, courant de design américain des années 1930, inspiré par le paquebot. Elles qui se réfèrent aussi à la mécanique, à la machine, à la vitesse (Després ayant dessiné des moteurs d’avion pendant la Première Guerre Mondiale), trouvent de nombreux échos. Dans le meuble des années 80, en feuilles d’aluminium rivetées évoquant une carlingue, de Marc Newson ou encore dans deux looks carrossés de Balmain par Olivier Rousteing. Ce dernier étant, lui, fasciné par les Etats-Unis tout comme le fondateur qui fut, outre-Atlantique, un excellent ambassadeur de la culture française.

 

Dans la salle « Memphis »

« Nous souhaitions montrer que les bijoux de Ettore Sottsass, précèdent de 10 ou 20 ans le courant Memphis qu’il a fondé en 1981 », explique Mathieu Rousset-Perrier conservateur du patrimoine pour les collections Moyen-Âge, Renaissance et Bijoux. Son vocabulaire optimiste (couleurs vives, formes ludiques et totémiques) se retrouve dans des meubles architecturés comme la chaise First de Michele De Lucchi, la coiffeuse en bois laqué bleu de Michael Graves, inspirée par les gratte-ciels New-Yorkais et la robe-gorille poilue de Fred Sathal des années 90.

 

Dans la salle « Rêves et Fantaisies »

Les boutons et les broches en métal doré et en cristaux de Swarovski de Roger Jean-Pierre, l’un des plus importants paruriers d’après-guerre, s’intègrent parfaitement parmi les œuvres théâtrales, oniriques et métissées ici présentes. Ils répondent aux œuvres signées Emilio Terry, Janine Janet, Campana, Jonathan Creten (avec un miroir aux motifs bizarroïdes d’algues) ou Stéphane Rolland. La robe de ce dernier se décline en tissu cloqué lamé or avec des applications de résine dorée à la feuille répond à la robe à cornes contemporaine de Daniel Roseberry pour Schiaparelli. Créatrice auprès de qui Roger Jean-Pierre fit ses débuts dans les années 30.

 

Au niveau 6

Dans la salle « Les avatars du vase »

Voici l’un des rares dialogues thématiques autour du vase. L’Australienne Carlier Makigawa a travaillé ce motif grâce à des structures en argent blanchi, montées en collier. Et on le retrouve sur la robe d’Issy Miyaké, dans les plissés d’un imprimé-tableau de Ingres : une femme nue tient entre ses mains une jarre versant de l’eau.

 

Au niveau 8

Dans la salle Jean Prouvé
La reconstitution d’une chambre d’étudiant de la cité universitaire d’Antony à la fin des années 50, pensée par Jean Prouvé, accueille six pendentifs du designer Jean Garçon pour Dinh Van et Pierre Cardin. Pour ce dernier, il a créé le « Cœur masculin » et le « Cœur féminin », l’un plat et géométrique, découpé dans un carré et l’autre tout en courbes au volume expressif. « On y a vu le rêve érotique d’un étudiant habillé de ce complet-veston Hermès en daim, l’uniforme masculin en vigueur jusque dans les années 70 », s’amuse Mathieu Rousset-Perrier.

 

Dans la salle Charlotte Perriand

Tout se passe dans une salle à manger avec cuisine intégrée, conçues à partir du projet phare de la Cité radieuse à Marseille par Charlotte Perriand. La fantaisie et l’éclat des bijoux aux lignes hachées de son contemporain Jean Lurçat (connu pour ses tapisseries à l’atmosphère médiévale revisitée) vient en contrepoint à cet « art décoratif sans décor ». « Nous rendons hommage à leur amitié : il s’est en effet révélé à postériori que ces deux membres de l’UAM étaient proches, qu’ils partageaient les mêmes idées politiques et sont allés ensemble à Moscou », explique Mathieu Rousset-Perrier. Ici, se nouent aussi des affinités avec la robe (1937) faussement sobre (le plissé étant complexe) de Lucile Manguin, un bahut à portes coulissantes conçu pour le collectionneur Maurice Jardot ou encore une lanterne de Noguchi.

 

Au niveau 9

Dans la salle « Matières à poésie »

Le détournement de matériaux ordinaires, comme les galets et les fragments d’oeuf d’émeu ressemblant à du grès, en bijoux par Gilles Jonemann (parrain du bijou contemporain) sont ici à leur place. Tout comme le travail de l’acier et du béton texturés de la Finlandaise Inari Kiuru et l’argent hérissé de piques et de griffes caractérisant les bijoux-sculpture évoquant un bestiaire fantastique d’Albert Duraz. Les trois transcendent la matière pour obtenir des surfaces étranges, des brillances et des couleurs inédites, des effets envoutants. A l’instar ce qu’a magistralement réussi Albert Elbaz avec la soie pour des robes Lanvin qui volent et flottent autour du corps. Ou de ce que qu’a fait Rick Owens avec son ensemble en cuir twill d’acétate.

 

À vous de relever d’autres correspondances entre bijou, mode et design contemporain, il y en a pléthore. Et au passage, profitez des plus belles vues de Paris, sur le Sacré Cœur, l’Opéra Garnier, les Champs-Élysées, la tour Eiffel ou encore le Grand Palais. Bonne visite.

 

« Parcours Bijoux Mode Design » au musée des Arts décoratifs (Paris) – Jusqu’au 10 novembre 2024

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