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15 mars 2021

Enfin un livre sur Aldo Cipullo!

Peu de personnes en dehors du monde de la joaillerie connaissent Aldo Cipullo. En revanche, des centaines de milliers dans le monde portent deux de ses bijoux : le « Love » et le « Juste Un Clou » réalisés pour Cartier au début des années 70.

Par Sandrine Merle.

 

 

Chronologique, le livre écrit par l’historienne Vivienne Becker avec le frère du créateur, Renato Cipullo, commence à Rome dans les années 50. On découvre un bel italien fasciné par la culture des États-Unis qui imprègne l’Italie d’après-guerre.  Aldo ne pense qu’à échapper à l’architecture classique et baroque de Rome, à l’emprise de son père et probablement à celle de son épouse. Empli d’énergie créative, il veut « vivre dans le présent, pas dans le passé. » En 1959, il débarque donc à NYC où il fait un passage chez David Webb avant d’entrer dans le studio de création de Tiffany & Co, sous la direction du grand Gene Moore. Ses pièces étincelantes d’or, de cabochons de corail, de turquoise sont dans le pur style de l’époque et du joaillier.

 

Aldo Cipullo et Cartier

L’étroite collaboration avec Cartier est au centre de sa vie, dans tous les sens du terme : elle commence dix ans après son arrivée à NYC et se termine dix ans avant sa mort, en 1974. Courte et intense, elle est immédiatement associée au bracelet « Love » formé par deux joncs ovales scellés par huit vis. En 1970, il a connu un succès fulgurant, jamais démenti. Le créateur n’a jamais su que son « Nail », un clou enroulé autour du poignet ou du doigt imaginé l’année suivante, allait aussi être un bijou culte : évoquant un piercing avant celui des Punks, il a vivoté pendant plusieurs décennies avant de décoller en 2012. Date à laquelle Cartier le rebaptise « Juste Un Clou » et le met en vedette lors de la soirée de réouverture de la boutique historique de NY avec une exposition consacrée au travail de Cipullo pour la maison.

 

Une idée géniale

Le succès du Love tient surtout à une idée géniale : l’impossibilité de mettre le bracelet soi-même, l’obligation d’avoir besoin de l’autre pour le fermer. Un bijou d’engagement tellement plus fun qu’une alliance ou un énorme diamant ! Il induit une forme de cérémonial pendant lequel cet autre fixe les vis à l’aide du micro-tournevis en vermeil fourni avec. Et si l’autre disparaît avec le tournevis ou s’il l’a jeté ? On n’est littéralement prisonnier, comme menotté ou cadenassé pour la vie…

 

NYC et le Love

Quand Tiffany & Co refuse le « Love » sans doute trop avant-gardiste, Aldo Cipullo claque la porte et le présente au nouveau président de Cartier NY, Mickael Thomas, qui en saisit immédiatement le potentiel. Avec ses vis, il entre en résonnance parfaite avec NYC, le pont de Brooklyn, ses escaliers grimpant sur les façades des immeubles, etc. Dans cette ville industrielle, tout tient grâce aux boulons, aux écrous et aux vis ce qui fascine le créateur : il passe des heures dans la quincaillerie de la 48e rue à photographier ces éléments étincelants d’acier. Symbole d’amour, épuré et unisexe, avec un léger parfum sulfureux (il serait aussi inspiré d’une ceinture de chasteté), le « Love » plaît à toutes les catégories de la population les jeunes, les célébrités, les hommes, les gays. C’est le bijou emblématique du célèbre Studio 54, tout le monde le porte.

 

Qu’Aldo Cipullo soit connu uniquement pour le « Love » et le « Juste Un Clou » n’est pas une injustice. Même si ce livre tente de réhabiliter ses créations antérieures et ultérieures (pour sa propre marque), elles restent moins intéressantes. Ces deux pièces, aujourd’hui des piliers de la maison Cartier, sont ce qu’il a fait de mieux et c’est énormissime. Respect.

 

« Cipullo: Making Jewelry Modern » aux Éditions Assouline

 

Photo en bannière : Aldo Cipullo porte son pendentif « Scorpion » et le bracelet « Nail » – Vers 1977 Photo Oscar Buitrago, All Rights Reserved, Courtesy Renato Cipullo

 

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