Style
29 mars 2021
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Des bijoux qui se moquent du bijou
Pour torpiller les codes en jeu dans la joaillerie classique, les créateurs d’avant-garde convoquent humour et ironie. Leurs cibles préférées : la préciosité des matériaux, l’or et surtout le solitaire, sacro-saint diamant offert lors des fiançailles. Voici 4 bijoux que j’aime particulièrement.
Par Sandrine Merle.
« Clé à molette », le collier de Gilles Jonneman – 1975
Dans les années 1970, ce pendentif est emblématique d’une rupture dans le monde du bijou : les femmes le veulent accessible et facile à porter. Gilles Jonemann (figure de proue de ce mouvement auquel appartient aussi Jean Dinh Van) détourne d’abord une clé à molette chromée de onze centimètres en pendentif. Puis il a l’idée d’enserrer dans sa mâchoire, le diamant de 5 carats d’une cliente… « J’y ai vu la réunion parfaite de deux symboles, celui de la bourgeoisie et celui du prolétariat », explique-t-il. Ce bijou obtient le « Diamonds International Awards » de De Beers (alors premier producteur mondial) visant à en moderniser l’utilisation. Belle fin pour cette clé à molette à 9 francs achetée au rayon bricolage du BHV !
« Mon Dieu, que vais-je faire du solitaire de ma grand-mère ! », le collier d’Agathe Saint-Girons
Ce collier est composé d’une succession de grosses pierres de couleur sans grande valeur et d’un diamant de 4 carats serti sur platine. Ce dernier est le solitaire hérité par Agathe Saint-Girons de sa grand-mère. « Pour une fois, cette pierre sacralisée ne trône plus en majesté sur une bague, ce n’est plus lui le roi de la fête », explique la créatrice.
« Rock », la bague de Yael Sonia
Cette bague se moque, elle aussi, du solitaire et de la tradition américaine associée à la bague de fiançailles. Les États-Unis représentent le plus gros marché du diamant, le futur époux doit y consacrer au moins deux mois de salaire et l’offrir lors d’une mise en scène spectaculaire. Il doit être le plus gros possible, être taille brillant c’est-à-dire rond et comporter 58 facettes pour briller de mille feux. La créatrice Brésilienne basée à New-York Yael Sonia lui fait un pied de nez avec une pierre hypertrophiée, un énorme cristal de roche de surcroît non taillé !
« L’or nous rend aveugle », la bague d’Otto Kunzli – 1980
Pour Otto Kunzli l’un des maîtres du bijou conceptuel, le déclin des pratiques et des formes traditionnelles d’artisanat a eu pour conséquence de vider le bijou en or de sens, de le rendre interchangeable et arbitraire. Il cache donc une boule d’or dans un tube en caoutchouc, la préciosité n’est alors connue que du porteur.
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