Style

05 octobre 2022

TFJP x Comité Colbert, l’or en décoration

Après l’or dans la gastronomie, dans la mode et dans le bijou, voici l’or en décoration. Le métal jaune fut un élément essentiel de la grande tradition française du décor. Et aujourd’hui ?

Par Sandrine Merle.

 

 

À tout seigneur, tout honneur… Si l’on ne devait retenir qu’un lieu pour montrer l’utilisation de l’or en décoration, ça serait le château de Versailles. Louis XIV, dont la préoccupation majeure fut d’affermir sa souveraineté, ne s’est pas privé de faire recouvrir d’or sièges, cadres, boiseries, plafonds et statues de ses appartements. Louis XV a continué en faisant réaliser notamment le sublime cabinet des bains, temple de lumière tapissé de gravures aux effets d’or mat, d’or bruni et d’or vert, évoquant les plaisirs aquatiques dans des médaillons bordés de roseaux et de narcisses. L’une de mes pièces favorites du château de Versailles.

 

Des selfies en or 

Comment Louis XIV aurait-il pu imaginer que 5 siècles plus tard, cette profusion d’or, cette flamboyance contribuerait à faire du château de Versailles l’un des lieux les plus visités et les plus instagrammables ? Quoi de mieux pour faire des selfies likés et partagés par tous ses followers ? Et pour ceux qui trouveraient la restauration trop clinquante et l’or trop vif, rappelons qu’au Moyen-Âge, les cathédrales étaient extrêmement colorées alors qu’on les a toujours connues blanches.

 

La dorure à l’eau, le nec plus ultra

L’or a beau être indestructible, il s’encrasse, il reçoit des coups : il faut donc restaurer. Le château de Versailles a ses propres doreurs qui maîtrisent des gestes et de techniques, inchangés depuis le XVe siècle. Ceux de l’atelier ameublement excellent dans la dorure à l’eau, la plus complexe mais celle qui assure le rendu le plus exceptionnel. « C’est la technique que nous avons utilisé notamment pour les lambris de Fontainebleau ou les torchères de la galerie des Glaces à Versailles », explique Laurent Gosseaume, CEO d’Atelier Mériguet-Carrère spécialiste des techniques décoratives. L’une des entreprises les plus prisées par les architectes des monuments historiques. « Il arrive que des particuliers richissimes demandent de la dorure à l’eau pour décorer leur château dans le goût du XVIIIe ou leur appartement de Park Avenue… Mais c’est toujours discret », ajoute-t-il.

 

Delisle, du classique au contemporain 

À la tête de la maison Delisle, connue depuis la fin du XIXe siècle pour ses sublimes lustres en bronze doré aux envergures folles, Jean Delisle explique : « le métal jaune représente notre deuxième poste de dépense (après celui des salaires) ; il est plaqué par électrolyse majoritairement sur des réalisations classiques ». On peut les voir notamment à l’opéra de Versailles, au musée de la Chasse ou encore à l’hôtel Georges V. Passionné de création contemporaine, le jeune dirigeant développe des collections de luminaires avec des designers comme Elliott Barnes ou réalise les siennes. Tels ces magnifiques branchages stylisés plaqués d’ors jaune et blanc brossés qui se juxtaposent au gré des courbes et des recourbes.

 

L’or s’efface progressivement…

Mais en décoration, l’engouement pour l’or n’est plus ce qu’il était. Dans les impressionnantes réserves du Mobilier National où l’on conserve près de 130 000 objets chargés d’histoire (et classés chronologiquement), c’est clair : l’or se fait de moins en moins présent jusqu’à disparaître totalement. Entre le lit d’apparat de Caroline Murat et le lit de repos « Barcelona » de Mies van der Rohe, il y a un monde ! Car l’or s’avère plus coûteux que jamais et comme il a souvent été mal utilisé, il a mauvaise réputation. « Les designers contemporains cherchent davantage à s’exprimer et à s’illustrer avec de nouveaux matériaux responsables », explique-t-on au Mobilier National. Reste à savoir si cette disparition est irréversible et s’il retrouvera sa place dans la décoration contemporaine.

 

*Le Comité Colbert est une association loi 1901 qui réunit plus de 100 membres représentant le luxe français. Sa mission est de « promouvoir passionnément, transmettre patiemment, développer durablement les savoir-faire et la création française pour insuffler du rêve ».

 

Image en bannière : Réserves Perret, Mobilier National – Photo Thibaut Chapotot

 

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