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08 juin 2022

5 joyaux naturalistes de la collection Albion Art dans l’exposition « Végétal »

Grand marchand et collectionneur, le Japonais Kazumi Arikawa a prêté 5 bijoux naturalistes exceptionnels de la fin du XIXe siècle-début du XXe siècle pour l’exposition « Végétal – L’art de la beauté » de Chaumet. La beauté du vivant a été figée dans l’instant grâce aux matériaux précieux.

Par Sandrine Merle.

 

 

Pour Kazumi Arikawa, les bijoux sont un « moyen de s’affranchir du matérialisme et de se rapprocher du divin, tout réside dans leur capacité à créer de l’émotion ». C’est le cas des 5 bijoux exceptionnels qu’il prête aujourd’hui pour l’exposition Chaumet (au total elle n’en compte qu’une petite centaine sur les 400 œuvres exposées). Créées par Chaumet, Boucheron, René Lalique et Georges Fouquet, au tournant du XXe siècle, période férue de naturalisme, elles témoignent de la capacité des joailliers français à réconcilier l’éphémère et l’immuable, à transfigurer la délicatesse de feuilles, de nervures, de pistils par de l’or chiffonné, de l’émail, des gemmes précieuses. Voici ces 5 joyaux, à ne pas manquer dans « Végétal ».

 

Le diadème « Belle Époque » de Chaumet (1905)

Quand Kazumi Arikawa commence à collectionner les diadèmes au début des années 2000, il déclenche un engouement phénoménal pour ce bijou de tête et la flambée des prix… Celui-ci, exposé entre les deux portraits d’œillets de Bartolomeo Bimbi et de Henri Fantin-Latour, est l’un des plus beaux parmi les milliers réalisés par Chaumet. Le bouquet d’œillets semble jaillir d’un cercle de boutons de fleurs, de minces feuilles sont penchées comme sous une légère brise. Grâce aux tremblants (micro-ressorts), les fleurs s’animent au moindre mouvement. Les fils couteaux leur confèrent une délicatesse inouïe. Quant à l’agencement des diamants, taillés en roses ou en coussins, il crée une brillance envoûtante.

 

La broche « Fougère » de Frédéric Boucheron (1878)

Voici une merveille présentée aux côtés d’un cyanotype « Vigne » ou encore d’un fragment de l’herbier de Jean-Jacques Rousseau. Pour reproduire la feuille si typique de la fougère, Loeillard alors chef d’atelier de Boucheron, a façonné une plaque d’argent, ensuite doublée d’or, il a recourbé les feuilles et fait ressortir les pointes. Les nervures ont été évidées à la scie, la principale étant sertie d’une ligne de diamants en dégradé pour dynamiser la courbe. Les bords du végétal sont délicatement « arrachés », la dernière feuille est subtilement enroulée. C’est la première fois qu’on peut admirer ce bijou en France.

 

La broche « Branche de Lilas » de Frédéric Boucheron (1889)

Pour sa toute première exposition, ce bijou côtoie une photo de pistils en gros plan par Brassaï, une aquarelle de Redouté et des Archimboldo ! À l’époque, l’artisan de Boucheron a probablement travaillé sans dessin préalable, avec une vraie branche de lilas sous les yeux. Les matières changent mais la fidélité au modèle reste totale. Les feuilles ont d’abord été évidées minutieusement à la scie en suivant le motif des nervures. Traités « au naturel », les bouquets de petites fleurs et les feuilles ont ensuite été entièrement pavés et sertis de diamants, y compris la tige et le dos. On perçoit immédiatement la connivence avec la plante…

 

Le diadème « Dragon de mer » attribué à Georges Fouquet (vers 1900)

Le commissaire de l’exposition, Marc Jeanson, a fait un pas de côté avec quelques figures animales dont cette créature marine aux corps sinueux entre le serpent et le dragon. Elle n’est pas née d’une volonté d’imiter la nature : pour Georges Fouquet connu pour ses représentations du thème marin (comme les algues), il est question de fantasmagorie… La créature tient entre ses crocs d’or, une aigue-marine verte. Le degré de précision des écailles résulte de la combinaison de la technique et de la couleur, de l’émail guilloché transparent dans des dégradés de bleus et de mordoré.

 

Le peigne « Noisettes » de René Lalique (vers 1900)

Pour comprendre le niveau de vérité de ce peigne sculpté dans de la corne blonde, il faut remonter à l’enfance de René Lalique et à ses longues promenades dans sa plaine champenoise bordée de forêts où fourmille tout un monde d’oiseaux et d’insectes. Il les scrute de son œil perçant… L’émotion qui nous traverse en regardant ce bijou tient à la virtuosité du travail de la corne polie, gravée, veinée et surtout aux noisettes véritables enveloppées de feuilles d’or mat comme chiffonnées. Témoin du génie de René Lalique, pour moi ce chef d’œuvre éclipse toutes les œuvres d’art, de la peinture d’Odilon Redon aux fresques pariétales anciennes de 5 000 ans. Bouleversant.

 

« Végétal – L’art de la beauté » de Chaumet du 16 juin au 4 septembre 2022 aux Beaux-Arts de Paris

 

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