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21 février 2017

Bijoux de face

Les bijoux qui décorent le visage sont rarement portés dans la rue. Ils constituent encore un phénomène d’avant-garde mais pour combien de temps ?

 

Des fils d’or maintenus par les oreilles strient le visage et se perdent dans les narines. D’autres le scindent en deux ou forment des cubes qui l’encadrent. Comme des arabesques, ils relient le nez aux oreilles. Les bijoux soulignent les lèvres ou les maintiennent écartées. Ils s’en échappent comme des « coulées d’or » chez Andrzej Cofta. Des pinces, parfois serties de perles et de strass, ornent les sourcils et le haut du nez.

 

Dark side

Ces bijoux de face évoquent les univers underground et marginaux des drag-queens, des punks aux visages transpercés d’épingles à nourrice ou encore des adeptes des soirées masochistes. Le créateur Alexander McQueen en était friand : au fil de ses défilés, on a vu des piques semblant incrustées dans la chair, sortir de la bouche des mannequins dont les lèvres étaient apparemment cousues avec du fil d’or. De quoi entraver la parole et la respiration… À côté, les faux piercings en cristal de Riccardo Tisci chez Givenchy, disposées sous les yeux et sur les joues, apparaissent bien sages…

 

Réparer les vivants

Dans le travail de l’artiste Markus Schinwald, les structures en métal ajoutées sur les portraits chinés de personnages bourgeois du XIXe siècle évoquent des prothèses ou des systèmes barbares pour réparer des malformations. Certaines créent un malaise car elles relèvent d’instruments de torture. Celles de la turque Burcu Büyükünal sont dans la même lignée car elles tordent les joues et remontent le menton en créant de mauvais plis. Le visage est le théâtre de modifications qui frôlent le transhumanisme.

 

Un précurseur, Gijs Bakker

Démontrer que notre identité peut être aisément modifiée ainsi que la perception que s’en font les autres était déjà au centre du travail de Gijs Bakker, dès les années 1960. L’une des pièces les plus connues de ce designer industriel hollandais est la structure filaire posée sur le visage de son épouse. Choquante et transgressive, cette parure de visage est alors loin du bijou d’investissement ou d’apparat qui prévaut à l’époque. Gijs Bakker s’inscrit dans le registre de l’expérimentation et sa démarche conceptuelle reste assez isolée.

 

Un nouveau front

Les bijoux de face, aujourd’hui de plus en plus nombreux chez les artistes et designers sortant notamment de la Saint Martins School, restent importables par le commun des mortels. Ils s’apparentent davantage à des manifestes et à des provocations et n’ont pas encore gagné les boutiques, ni la rue. Mais ils montrent une volonté de sortir de l’éternel ras-de-cou ou même du piercing passé dans les mœurs. Il faut trouver de nouvelles pistes et conquérir des territoires vierges. Alors que la main, les phalanges de la main et les oreilles ont ces dernières années, largement été annexées, le visage reste lui quasi inexploré.

 

Des bijoux pour s’initier

• Si le visage est parfaitement symétrique, la ligne en or le séparant en deux. L’idée a été réalisée par le duo Sarah & Sebastian pour le défilé de Dion Lee pour la collection été de 2016.

• La pince de nez déjà adoptée par Delfina Delettrez. Celle de Johanne T. est complétée de chaque côté, par une fine chaîne se perdant derrière les oreilles comme si elles maintenaient des lunettes.

• Les pinces de sourcils de Imme van der Haak.

• Les éléments de métal glissés entre les lèvres de Anika Smulovitz ou Andrzej Cofta.

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