Itinéraires joailliers
04 mars 2025
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“Pearl Odyssey” avec l’hôtel Jumeirah Gulf of Bahrain
À Bahreïn, la perle fine a alimenté l’économie du pays et façonné sa culture et son identité nationale. Lors d’un séjour, l’hôtel Jumeirah Gulf of Barhain m’a invitée à découvrir cet héritage inscrit au Patrimoine mondial de l’humanité et dévoilé tout au long du Pearling Path.
Par Sandrine Merle.
On pêche des perles fines dans le golfe Persique depuis 7500 ans. Dorées ou blanches en passant par les nuances de crème, elles ont donné lieu à des créations extraordinaires surtout dans les années 20. Elles se forment naturellement dans une l’huître Pinctada radiata grâce, dit-on, aux conditions idéales de cette île située au milieu du Golfe, à la convergence d’eau salée et de sources d’eau douce naturelles. Bahreïn signifie d’ailleurs « deux mers » en arabe. Muharraq, l’ancienne capitale, en était le centre mondial du commerce : en 1904-1905, pendant le pic de l’activité, 97,3 % du chiffre d’affaires des perles du Golfe étaient échangés par l’intermédiaire de Bahreïn où se pressaient négociants Indiens, Anglais, Allemands et Français. « Chaque habitant était impliqué directement ou indirectement dans cette économie », souligne HE Shaikh Khalifa bin Ahmed bin Abdullah Al Khalifa, président de Bahrain Authority for Culture and Antiquities lors d’une conférence de L’École des Arts Joailliers* (lien vers la vidéo dans l’image en bannière). Mais à partir des années 30, ce commerce a été anéanti en partie par celui de la perle de culture inventée au Japon (en 1919) puis par la découverte du pétrole qui peu à peu a absorbé la main d’œuvre. La ville est alors tombée en décrépitude.
Le Pearling Path
La meilleure façon de découvrir cet héritage est d’emprunter le Pearling Path, sorte de musée à ciel ouvert serpentant à travers la ville historique aujourd’hui majoritairement habitée par des travailleurs immigrés. Bader, insider et membre de la scène artistique bahreïnie, qui accompagne les hôtes de l’hôtel Jumeirah Gulf of Barhain a choisi de partir de la pointe méridionale de l’île où se trouve la forteresse de Qal’at Bū Māhir. À l’horizon, se dresse la ville moderne de Manama. Comme Bader me l’explique, « les dhows (voiliers en bois) partaient de Qal’at Bū Māhir, chaque printemps, pour quatre mois de pêche sous l’œil des marchands habitant l’île voisine. » Difficile à d’imaginer car de vastes étendues de terre ont été gagnées sur la mer pour construire de nouveaux quartiers et une autoroute à plusieurs voies. Un pont piétonnier en ferraille (à l’architecture discutable) permet de rétablir symboliquement ce lien et d’atteindre la vieille ville islamique située à quelques mètres de là.
Serpenter dans la vieille ville de Muharraq
Le Pearling Path s’enfonce à travers le dédale de ruelles étroites sur 3,5 km. Au cours des 10 dernières années, les façades en pierre de corail et les bâtiments historiques ont été restaurés et ponctués de gestes architecturaux contemporains. La canopée brutaliste de Valerio Olgiati surplombe les ruines d’un amarat (entrepôt commercial). Les globes des lampadaires évoquent de grosses perles. Dans l’idée de ne pas réduire Muharraq à un musée, les autorités ont fait bâtir des parkings en spirale pour désengorger les ruelles, réhabilité le souk d’Al-Qaysariya et créé des places ombragées. Parmi les 17 bâtiments historiques ouverts au public, nous avons commencé par la modeste maison en pierre de corail du pêcheur Al Ghus : sur les écrans, des vidéos témoignent de la dureté des conditions de travail des plongeurs en apnée. Équipés d’un seul pince-nez pour réguler leur pression auriculaire et de couvre-doigts en cuir pour arracher les huîtres des récifs, ils étaient lestés d’une pierre de 6 kg pour accélérer la descendre… Les pauvres finissaient aveugles, sourds, amputés par un poisson menuisier ou dévorés par un requin.
Découvrir le musée de la perle dans un ancien majlis
Les grandes maisons familiales témoignent, elles, de l’opulence des marchands: les Fahkro, les Al-Alawi, les Mattar ou encore les Al-Jalahma. L’acmé de ce parcours est l’ensemble construit par Ahmed bin Jasim Siyadi, constitué sur le modèle traditionnel de la maison, du majlis (salon de réception) et de la mosquée. Le studio Anne Holtrop a magnifiquement restauré portes en bois sculptées, vitraux, mosaïques, frises témoignant de la richesse des détails et la variété des ornements. Le musée est lui installé dans l’ancien majlis où se déroulaient les longues négociations avec les étrangers. En y pénétrant, j’ai pensé aux Français, surtout à Victor Rosenthal et à Jacques Cartier qui ont peut-être été reçus ici… Dans les vitrines se détachant sur les murs argentés, des perles en vrac côtoient des perles montées sur des colliers archéologiques, des broches et des montres de Cartier ou encore une paire de boucles d’oreilles contemporaines du joaillier indien Baghat.
Pour les plus passionnés, comptez une bonne journée pour explorer le Pearling Path. Vous pourrez déjeuner chez Bread and Paper le nouveau coffee shop (signe indéniable de gentrification) de Yusuf Qamber et Sara Abdulla. Et avant de rentrer au Jumeirah Gulf Bahreïn, faites un stop à la boutique du joaillier MATTAR pour vous offrir un collier dans ces fameuses perles fines de Bahreïn. Les représentants de la 5e et 6e génération de cette illustre famille de marchands, en lançant il y a quelques années, leur propre marque, contribuent à perpétuer cet héritage. Un héritage férocement défendu par ce royaume du Golfe : DANAT, le laboratoire de gemmologie du pays, l’un des rares au monde à être spécialisé en perles, analyse tous les spécimens entrant sur le territoire et refoule celles de culture qui viennent aujourd’hui majoritairement de Chine. Seule la perle fine est ici autorisée.
« Pearl Odyssey » est proposé par Jumeirah Gulf of Bahrain – Prix sur demande, saison conseillée : octobre à mai
* pour l’exposition et la sortie du livre « Paris, capitale de la perle » (Éditions Norma)