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02 novembre 2022
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5 choses à savoir sur l’impact de l’extraction de l’or
L’or du Monde, un des joailliers pionniers dans l’utilisation d’or recyclé, m’a invitée à assister à la conférence donnée par Aurore Stephant experte ingénieur géologue minier co-fondatrice de l’association Systext. Compte-rendu apocalyptique de l’impact écologique de l’extraction de l’or.
Par Sandrine Merle.
1/ La mine d’or type
Une mine d’or n’est jamais entièrement dédiée à l’or : elle extrait toujours d’autres minéraux. C’est une mine à ciel ouvert et primaire qui, autrement dit, nécessite de dynamiter la roche. C’est aussi une mine industrielle : 80% de la production mondiale provient d’immenses exploitations, le reste de petites mines, légales ou illégales. Contrairement aux idées reçues, cette mine type n’est pas forcément en Afrique. L’Afrique du Sud a bien été le premier producteur d’or pendant 102 années consécutives mais, à partir de 2007, elle a été dépassée par la Chine. Cette dernière produisant aujourd’hui entre 300 et 350 tonnes d’or par an soit 1/10e de la production mondiale. Et aucun pays ne détient le monopole : on trouve de l’or en Russie, en Australie, au Canada et aux États-Unis. L’un des deux plus grands gisements mondiaux est au Nevada.
2/ L’accélération de l’extraction
L’or et l’argent, connus depuis l’Antiquité, sont les premiers métaux à avoir été exploités car ils existent à l’état natif. En 2021, selon le World Gold Council (grande instance internationale sur l’or), on a extrait 205 000 tonnes d’or dont les 2/3 pendant ces 50 dernières années. Et cela continue : les mines grossissent, se complexifient, inventent des techniques pour creuser encore plus profond car les teneurs en or, elles, ne cessent de diminuer. Aujourd’hui, on ne trouve qu’entre 0,2g et 5g d’or par tonne de minerai. Les impacts, eux, augmentent exponentiellement en énergie, en eau ou encore en espace.
3/ La face cachée de l’or : la cyanuration
Cette technique dévastatrice à base de cyanure concerne 80% de l’or extrait dans le monde. Cette substance particulièrement efficace, bien plus que le mercure ou le chlore, est mélangée au minerai extrait et broyé : elle se colle aux atomes d’or pour former un complexe qu’on récupère dans l’eau. Jusqu’à présent, l’opération était réalisée dans des bacs de stockage mais pour accélérer le processus lorsque la teneur en or est extrêmement faible, les producteurs ont, dans les années 80, mis en place la lixiviation en tas : ils font des montagnes de minerai qui peuvent atteindre voire dépasser la taille de la Tour Eiffel, sur lesquels percolent des eaux cyanurées… De quoi former des nuages se baladant au gré du vent et des écoulements dans la nature, impossibles à maîtriser.
4/ Des tonnes de déchets bien embarrassantes
Que faire chaque année du milliard de tonnes de minerai extrait et contaminé par le cyanure et autres métaux lourds ? La mine de Grasberg en Indonésie, en accord avec les autorités, fait des tas de 10 à 20 mètres sur 200km2 qu’elle déverse dans les cours d’eau. Sur Google Earth, les vues aériennes de Johannesburg témoignent de l’emprise au sol des 6 milliards de tonnes couvrant 400km2. À côté, le stade de Soccer City (95 000 personnes) apparaît comme une miette ! Les conséquences sur l’eau potable obligent à la faire venir du Lesotho à plus de 350 km ! Il arrive aussi fréquemment que dans le monde, 4 à 5 fois par an, que les digues d’un espace de stockage se rompent. En 2000 à Baia Mare en Roumanie, 300 000 m3 d’eaux contaminées se répandent ainsi dans les terres, dans la Tisza et le Danube décimant faune et flore au passage. Les impacts désastreux sur la nature sont tellement longs, des millénaires, que les systèmes de calcul informatiques ne sont même plus capables de les estimer.
5/ Peut-on stopper ce désastre écologique ?
Aurore Stéphant rappelle que contrairement à l’agriculture ou à l’énergie, l’industrie minière est jeune (200 ans) et qu’elle bénéficie encore d’un régime d’exception en France comme à l’étranger. Pour elle, il n’y a pas d’autres moyens que d’en finir avec la cyanuration et de définir des no-go zones, espaces à haute valeur écologique. Ce qui équivaudrait à stopper net l’activité minière industrielle de l’or pour passer au recyclage, ce que l’on sait parfaitement faire. Les stocks sont largement suffisants pour satisfaire les besoins non fonctionnels. Rappelons que 55% de l’or primaire produit est encore aujourd’hui destiné à la joaillerie. Il y a donc zéro bonne raison de participer à ce désastre écologique !
Image en bannière © Systext
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