Style

24 mars 2025

Nadia Morgenthaler, la délicatesse de l’ingénierie joaillière

Du 2 au 6 avril prochain, Nadia Morgenthaler présente ses bijoux au PAD Paris. Cette créatrice indépendante suisse affirme un style puissant et très personnel.

 

 

En haute joaillerie, il y a généralement deux clans : ceux qui excellent en création et ceux qui maîtrisent parfaitement la fabrication. Nadia Morgenthaler, basée à Genève, est l’une des rares à se distinguer dans les deux. « L’école des Arts décoratifs à Genève m’a formée à l’une comme à l’autre. Ensuite j’ai toujours été tiraillée », reconnaît Nadia Morgenthaler. Aujourd’hui, elle est parvenue à un équilibre : développer sa propre marque de haute joaillerie lancée en 2013 tout en étant à la tête d’un atelier renommé composé de 7 artisans.

 

Le fondement de la marque : la virtuosité technique

« Mon atelier est l’atelier genevois dans lequel j’ai commencé sous la direction de Mr Bonet et que je lui ai acheté lorsqu’il est parti à la retraite en 2009. Depuis le début, je travaille sur les pièces des plus grandes maisons », explique-t-elle. Ce qui signifie un très haut niveau de sophistication, la capacité de matérialiser les dessins en bijoux, de les modéliser, de mettre au point les emmaillements d’une grande souplesse, de parvenir à des sertissages invisibles ou presque, etc. Elle reste muette sur l’identité de ses prestigieux clients mais on sait aujourd’hui que Joel Arthur Rosenthal (JAR), connu pour son exigence folle, en a fait longtemps partie.

 

La technique au service de l’esthétique

On oublie trop souvent que la technique joue un rôle considérable dans le style : tout ne tient pas au dessin. Nadia Morgenthaler connaît si bien le métal et les pierres précieuses, la façon dont ils vont réagir et leurs impossibilités, que son champ des possibles est infini ou presque. Elle peut anticiper, inventer et renouer avec des techniques « oubliées » car elle a les artisans pour. Quel que soit l’angle de vue, ses pièces uniques témoignent que rien n’est laissé au hasard. Vue de côté, la tranche d’une boucle d’oreille est composée d’une couche d’argent (qui va noircir au fil du temps) et d’une couche d’or rouge encadrant une rangée de perles d’or jaune. « Le point de fusion de ces métaux étant différents, la réalisation à la main s’avère délicate et nécessite beaucoup de patience », explique-t-elle. Regardons-en une autre de dos… Les mises à jour des pierres et les griffes qui les retiennent forment une remarquable composition graphique.

 

La structure en lumière

Si on décompose ses bijoux, on réalise à quel point la structure est importante. Grande admiratrice des architectures de fer et de la ferronnerie du XIXe siècle, Nadia Morgenthaler fait de cette structure un élément central en la soulignant très souvent d’or noirci. Pour soutenir une colonne d’opales aux reflets kaléidoscopiques, elles tracent trois droites fuyantes à la verticale. Pour maintenir une pampille en cristal de roche dans le vide, elle la ceint de deux anneaux pourvus de tiges de fixation, chacune étant reliée à une fine chaîne. Les systèmes peuvent paraître mécaniques et complexes mais visuellement, c’est incroyablement délicat. Tout bouge. Les diamants et les perles fines aux teintes poudrées, son matériau fétiche, adoucissent l’ensemble.

 

Des influences multiples

Relier un travail à des influences précises est toujours tentant. Chez Nadia Morgenthaler, elles sont subliminales et jamais littérales. Elles se croisent et se superposent, fusionnent. Son pendentif renvoie à un pompon, à la structure en A de la tour Eiffel ou au lustre montgolfière (inversée) créé par les artisans de l’époque pour célébrer cette invention. On perçoit aussi son goût pour les bijoux anciens en argent oxydé et en perles fines du XIXe siècle. Sa pièce fétiche, les boucles d’oreilles, témoigne de sa quête de mobilité et de souplesse. Elles évoquent des pompons ou des lustres d’église à couronnes. D’ailleurs, contrairement à une sculpture, elles n’existent que dans le vide, lorsqu’elles sont portées : abandonnez-les sur une étagère et elles s’effondrent littéralement ! La beauté de l’immatériel…

 

« Il m’a fallu du temps et de la maturité pour développer ce langage stylistique », constate Nadia Morgenthaler. Aujourd’hui sur des bases solides, elle lance sa première collection composée de pièces reproductibles et donc plus abordables. Et pas le contraire. Une trajectoire logique, d’une cohérence parfaite.

 

PAD Paris – Stand Second Petale n°25

Du 2 avril au 6 avril 2025

Jardin des Tuileries

75001 Paris

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