Style
04 août 2016
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Marianne Le Clère-Papalexis, présidente de Zolotas
Française, férue de culture hellénistique, elle œuvre depuis 40 ans chez Zolotas soit un tiers de l’existence de cette maison grecque.
Vous avez dirigé la création, la communication, la gestion et vous avez fini par devenir actionnaire en 1988. Vous êtes l’âme de Zolotas…
Cette histoire a commencé, lors d’un stage au département haute couture de Christian Dior, par la rencontre avec la femme du professeur Zolotas : je lui ai dit quelques phrases en grec ancien, elle m’a demandé de venir faire un stage à la boutique de Paris. C’était au moment où, Monsieur Xénophon Zolotas, sans héritier direct, venait de rompre avec ses neveux qui ont fondé leur propre maison, Lalaounis. La question de la succession est toujours difficile… Pourquoi continuer ? Vers quoi ? Aujourd’hui, mon fils qui a grandi dans les ateliers est le directeur artistique. Il est complètement imprégné de ma passion…
Comment est né Zolotas ?
En 1895, Efthimios Zolotas est allé se former dans les ateliers de la place Vendôme car il voulait égaler les maisons françaises, fournisseurs des cours européennes. Son fils Xénophon, devenu gouverneur de la Banque de Grèce, a souhaité que la maison devienne ambassadrice de l’excellence hellénique. La Grèce est l’héritière d’une longue tradition dont je pourrais vous parler pendant des heures ! Il y a ces grandes périodes de richesse comme la période classique où les artisans poussent à l’extrême la sophistication des techniques ancestrales minoennes, l’inspiration puisée dans la nature et la technique du repoussé (permettant d’obtenir un décor en relief) à Mycènes, etc.
Comment définir le style Zolotas ?
Il est fondé sur la chrysotechnie, l’art de travailler l’or grâce à trois savoir-faire emblématiques : le tissage d’un fil, la granulation et le martelage. L’or, très jaune, presque clinquant, est roi contrairement aux pierres utilisées uniquement comme décoration. Nous reprenons des têtes de lions, le soleil, etc., mais l’inspiration est principalement abstraite. Mais attention : nous ne faisons jamais de reproductions de bijoux anciens, mais des réinterprétations contemporaines.
Quels sont les temps forts ?
Au début des années 70, nous avions la terre à nos pieds. Des personnalités internationales comme Stavros Niarchos, Valéry Giscard d’Estaing, le Shah d’Iran ou Elizabeth Taylor venaient à la boutique d’Athènes. J’ai accueilli en personne La Callas et Madame Kennedy. Mais à part quelques photos, dont certaines avec Marisa Berenson, il ne reste aucune trace… Au grand désespoir de mon fils ! À la fin des années 80, Zolotas faisait encore la tendance grâce au directeur artistique, Ronald Mc Namer, ancien de Tiffany & Co. Il a introduit l’or 22 carats martelé, les volumes épurés et oversized, la prédominance de l’abstrait sur le figuratif. J’ai alors commencé à organiser des expositions au Japon, Moyen-Orient… Puis les grands groupes internationaux, aux moyens colossaux, ont bouleversé la donne.
À quel rythme créez-vous ?
Jamais dans la douleur, notre rythme est déterminé par nos capacités de financement, à savoir une collection tous les deux ans, une collection capsule à la fin de chaque année et quelques collaborations. La première qui date des années 70, avec Claude Lalanne, a été suivie par une autre avec Paloma Picasso âgée, alors, d’à peine 20 ans ou encore Alekos Fassianos. Plus récemment, Nisa Chevènement a dessiné un collier composé de longues figures anthropomorphes évoquant les idoles cycladiques.
Vous venez d’ouvrir une boutique à Paris. Il semble que créateurs et maisons grecs n’ont jamais été aussi présents sur la scène internationale…
C’est principalement dû à la crise extrêmement grave que connaît le pays et qui ne permet plus à aucun de subsister. Je me réjouis de l’accueil qui leur est fait !