Style
24 avril 2019
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Le retour des années 80 ?
Longtemps mal aimées, les années 80 deviennent aujourd’hui vintage et connaissent un engouement sans précédent.
Dans sa vente du 13 juin prochain, Christie’s Paris met en avant une dizaine de bijoux des années 80 : des parures griffées Van Cleef & Arpels et Boucheron, une autre signée par Mauboussin, un collier et un bracelet de Cartier figurant des éléphants. De quoi plaire aux plus jeunes clientes, mais pas seulement : Pierre Rainero directeur du patrimoine et du style Cartier dit « l’intérêt croissant de la maison pour cette période et le rachat de pièces pour les archives. »
Le style des années 80
Priorité aux lignes symétriques et graphiques. « Toujours en or très jaune et brillant, les joncs ouverts, les manchettes, les clips d’oreilles, les chokers (collier entre le torque et le pectoral égyptien) sont oversized et formés par la répétition d’un motif géométrique », explique Amanda Triossi historienne en train de préparer une conférence sur les années 80 à GemGenève. Comme les autres joailliers de l’époque, Paloma Picasso chez Tiffany & Co raffole des améthystes violettes, des citrines jaunes, des émeraudes vertes, des rubis, de la nacre. Au lieu d’être facettées, les pierres sont polies en forme de dôme et/ou serties clos, c’est-à-dire maintenues par de l’or rabattu tout autour. Un certain goût pour l’Antiquité se traduit par des motifs comme le scarabée ou l’utilisation de pièces de monnaie. « Bulgari et Marina B. représentent la quintessence de ce style », estime Amanda Triossi.
2018, l’année des eighties
En 2018, Bulgari a justement dédié sa collection de haute joaillerie « Wild Pop » aux années 80. On y retrouve la joaillerie modulaire, les pierres de couleurs, les torques, etc. Le lancement a occasionné un défilé auquel participait un mannequin de l’époque, Pat Cleveland, et un concert de Duran Duran. Marina B., l’une des marques-phares, a renaît avec ses iconiques bracelets sur ressorts. Chez Suzanne Syz, apparaît une paire de clips tourne-disque, clin d’œil au Studio 54. Quant à Marc Deloche, il s’est inspiré des boucles d’oreille fantaisie de la marque Scooter, le Gas des années 80.
Les années 80, la grande mutation
Sur la place Vendôme, le style clinquant est largement inspiré par les goûts des clients d’Asie du Sud-Est et du Moyen-Orient affluant suite aux chocs pétroliers. Samuel Fred se lance dans les diamants de couleur pour les riches émirs. Mauboussin réalise 80% du chiffre d’affaire avec le sultan du Brunei. Les Américains sont là aussi, forts d’un dollar élevé. En même temps, les joailliers doivent satisfaire les goûts opposés d’une clientèle européenne plus jeune avec des pièces faciles à porter et plus accessibles comme la bague « Nadia » (pour Nacre et Diamants) lancée par Mauboussin. François Hérail, un trentenaire issu du bijou fantaisie, a tout compris : sa marque Poiray lancée en 1975 connaît un succès fulgurant. Il a ouvert un nouveau créneau, entre les bijoux de Maty vendus par correspondance et la haute joaillerie.
Grandeur et décadence des années 80
Quel bouleversement pour les joailliers de la place Vendôme nés au 19e siècle et habitués à une clientèle traditionnelle et héréditaire ! Plus question de naviguer à vue : il faut s’aguerrir aux stratégies de gestion et conquérir de nouveaux marchés. Chez Chaumet, les deux frères sont mis en prison pour malversations et Mauboussin frôle la faillite quand le sultan du Brunei le lâche. Les maisons indépendantes ratent ce tournant de la mondialisation. La guerre du Golfe met fin à la fête : dans les années 90, elles sont, les unes après les autres, rachetés par les grands groupes de luxe comme LVMH et Richemont.
Cette Bérezina commerciale a occulté un temps la création : il est temps de la redécouvrir et de l’apprécier à sa juste valeur.
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Image en bannière : Tiffany & Co