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19 avril 2020

Les bijoux de scène de la Comédie-Française à L’École des Arts Joailliers

L’École des Arts Joailliers nous fait découvrir la collection de bijoux de la Comédie-Française. Avec une trentaine de pièces miraculeusement conservées, cette collection fait partie du patrimoine culturel de la France.

 

 

Comment ces bijoux de scène ont-ils été utilisés par les acteurs au fil des siècles ? Qui les fabriquait ? Par quels acteurs et actrices ces bijoux ont-ils été portés ? On en sait très peu sur ce sujet. Agathe Sanjuan conservatrice-archiviste de la Comédie-Française a donc commencé à les étudier dans la bibliothèque-musée, dont les archives et les œuvres d’art retracent la vie de ce théâtre créé en 1680 par Louis XIV. Invitée par L’École des Arts Joailliers, elle livre une partie de l’histoire de ces bijoux de scène et décrypte leur esthétique et leurs techniques, très inspirées par celle de la joaillerie. Comme en témoigne, à ses côtés, Émilie Bérard, responsable de la collection Patrimoine de Van Cleef & Arpels.

 

Les grands rôles du bijou

Dans le jargon théâtral, on désigne le bijou spécialement conçu pour une scène, l’élément de l’intrigue, comme le « bijou qui joue ». Par exemple, la couronne lors d’un couronnement : sans elle, rien n’aurait de sens. « Selon un document de 1812 mentionnant 448 pièces de théâtre, il est le moteur pour 10% d’entre elles », explique Agathe Sanjuan. Dans une tragédie, il a souvent une valeur symbolique tandis que dans une comédie, sa valeur marchande prime. Dans L’Avare de Molière, le diamant permet de définir le caractère d’Harpagon quand celui-ci refuse de le laisser à Marianne, sa promise. Quand le bijou ne sert pas l’intrigue, il participe à l’esthétique globale de la scène et revêt différentes fonctions. Il sert à capter la très faible lumière tout comme les costumes, cousus de mille pierres et perles. Il permet aussi de mettre en valeur le comédien car à l’époque, des spectateurs les plus importants assistaient à la représentation sur la scène. Colliers et bracelets souvent composés de rubans soulignent particulièrement le visage et les mains. Finalement, il revêt des aspects politiques et diplomatiques : lors de certaines représentations à la cour, l’administration des Menus-Plaisirs du roi prêtait costumes et bijoux extraordinaires afin d’éblouir les grands du royaume ou les ambassadeurs en visite.

 

L’esthétique de l’illusion

Les moyens financiers du théâtre étant très limités et la durée de leur utilisation très courte, les bijoux sont réalisés dans des matériaux non précieux : le laiton et le papier peint remplacent l’or, le cristal se substitue au diamant. Procédé que l’on retrouve aussi dans les costumes : la peau de léopard bordant un manteau peut être réalisé avec un textile peint. « Les accessoiristes talentueux s’inspirent des bijoux de la joaillerie traditionnelle, ils reprennent les mêmes motifs et les mêmes techniques même si a priori, aucun joaillier n’a réalisé de bijou de scène », explique Émilie Bérard. C’est le cas d’un diadème du XIXe siècle de la collection de la Comédie-Française, en laiton et en argent formé d’étoiles en strass montées en trembleuses, c’est-à-dire sur un ressort permettant le mouvement. « Il évoque les étoiles que Sissi, l’impératrice d’Autriche portait dans les cheveux ou encore le diadème de la reine Emma des Pays-Bas », continue Émilie Bérard. On trouve aussi des girandoles (boucles d’oreilles à trois branches en diamants), des aigrettes ou encore des rubans de soie cousus de pierres et de perles. Les robes brodées de perles et de pierreries de Mademoiselle Dumesnil en Agrippine ou de la comédienne Adrienne Lecrouvreur pourraient rivaliser avec celles des femmes de la cour ! Moins précieux et moins prestigieux, le bijou de scène a pourtant un énorme avantage pour connaître l’histoire de la joaillerie : on ne le démantèle pas pour récupérer les matériaux.

 

Des costumes en accord avec l’action

Pendant longtemps, les costumes ont appartenu aux comédiens à qui il revenait de définir celui de leur personnage… Beaucoup en faisaient aussi le signe de leur réussite sociale. D’où les nombreuses approximations avec l’action ! Les spectateurs avaient du mal à ne pas se perdre quand, de la marquise à la paysanne en passant par la bourgeoise, toutes les comédiennes portaient des bas de soie et des « diamants ». Que l’on soit en Chine ou au Moyen-Orient, l’exotisme se traduisait par le port d’un turban comme celui décoré d’un rang de perles porté par Roxane dans Bajazet. Au milieu du XVIIIe siècle, la comédienne Justine Favart est la première comédienne à enfreindre ces codes : elle porte une simple petite croix sur un ruban de velours avec son costume de paysanne  (dans Bastien et Bastienne présentée à la Comédie-Italienne). Un scandale suivi d’une évolution : le costume de scène doit désormais coller à la réalité, archéologique et historique. Lekain, tragédien le plus important du XVIIIe siècle, œuvre largement à cette réforme tout comme Voltaire. Ce dernier accepte même de ne pas être rémunéré pour que les comédiens puissent s’offrir des costumes adéquats. « Le premier cas d’exactitude historique est le costume de Joad dans une représentation d’Athalie donnée en 1770, précise Agathe Sanjuan. Avec notamment un pectoral orné de douze pierres différentes comme l’original, le hoshendes tribus d’Israël. Un exemplaire de cet objet sacerdotal est encore conservé dans notre collection. »

 

La couronne,  vedette des bijoux de scène

En dépouillant les archives de la Comédie-Française, Agathe Sanjuan s’est particulièrement intéressée à la couronne, très utilisée dans les représentations du XIXe siècle. En revanche, elle est quasiment absente au XVIIIe siècle : « on ignore pourquoi, on peut seulement imaginer qu’il ne fallait pas froisser le roi, premier mécène de la Comédie-Française », suppose-t-elle. Au XVIIe siècle, la couronne est réservée aux rôles « exotiques » comme celui de Médée, de Cléopâtre ou encore d’Athalie. Calquée sur aucun modèle connu, sa forme est simplifiée avec de longues dents ornées de pierres de couleur et de perles. Une sorte d’archétype. Parmi les rares à apparaître figurent aussi celles inspirées par la Grèce antique. Napoléon en a offerte une à Talma pour son rôle de Néron en lui disant : « Talma, nous faisons l’histoire ». En feuilles de laurier et conservée dans son écrin d’origine, c’est l’une des pièces les plus exceptionnelles de la collection de la Comédie-Française.

 

Quel sujet novateur et passionnant… À suivre à L’École des Arts Joailliers. Cette dernière poursuit en effet son mécénat de restauration des bijoux de scène de la Comédie-Française auxquels elle consacrera prochainement une exposition.

 

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