Style

22 septembre 2023

René Boivin dans les années 80-90

Avant-gardiste dans les années 20-40, la maison René Boivin devient une source d’inspiration majeure pour la joaillerie dans les années 80 et même 90.

Par Sandrine Merle.

 

 

Dans les années 80, la maison René Boivin jouit d’une réputation mondiale. Les clients parmi les plus prestigieux se pressent chez elle : Hélène Rochas, l’Aga Khan, … Jeanne Boivin ainsi que les créatrices Suzanne Belperron et Juliette Moutard (qui ont fait sa renommée) ont disparu. Et la maison n’appartient plus à la famille : les filles des fondateurs René et Jeanne, l’ont vendue à leur fournisseur en diamants, Mr Perrier. Deux liens qui subsistent encore avec le passé. Louis Girard, le pilier de la maison de 1925 à 1985. Et la directrice de la création Marie-Caroline De Brosses : en 1970, la jeune femme a travaillé quelques mois avec Juliette Moutard avant de prendre la relève. Dans les années 80, pendant ses longs séjours à l’étranger, elle est remplacée par Marie-Christine de Lamaze puis par Ghislaine d’Entremont. En 1989, elle cède sa place à Sylvie Vilein qui, elle, restera 10 ans dans la maison.

 

René Boivin, un « atelier de dames »

 

Dans les années 80-90, le style Boivin triomphe

Regardons attentivement ces deux décennies joaillières. Le travail des créatrices, parfaitement cohérent, correspond aux goûts de l’époque tout en respectant les codes de la maison. Mettons les colliers à motifs géométriques répétitifs comme le « Hindou » à côté de ceux de Bulgari. Rapprochons les bagues ornées de gros cabochons de pierres de couleur (améthystes, citrines, émeraudes) de celles de Paloma Picasso chez Tiffany&Co. Comparons les clips d’oreilles à décors de végétaux stylisés en corail, en bois à celles de Marina B. La maison René Boivin fait partie des grandes. D’autant qu’on l’oublie souvent : c’est elle qui inspire désormais les joailliers car c’est elle qui a posé les bases de ce style dans les années 20-30. François Hérail qui a lancé Poiray en 1975 comme une alternative à la joaillerie traditionnelle pour une clientèle jeune, n’a jamais caché l’influence majeure de Boivin et de Suzanne Belperron sur ses créations.

 

Les années 80-90, une continuité

Marie-Caroline de Brosses a certes inventé de nouveaux modèles comme la bague « Cachette » avec deux éléments en or coulissants sur un pavage de diamants. Mais elle est restée très fidèle aux codes de la maison, à l’or jaune poli et godronné, aux motifs cachemire et aux cabochons de pierres fines qui remontent aux années 20. Elle a aussi réalisé des félins introduits en 1963 sous l’influence du dirigeant de la maison Boivin, Jacques Bernard un ancien chef d’atelier de Cartier. Sylvie Vilein, elle, a pris l’habitude de moderniser d’anciens clips des années 50 ou 60 en les entourant d’or. « Elles ont aussi réalisés de très nombreux modèles à l’identique, précise Thomas Torroni-Levene propriétaire des archives et gardien du temple depuis la reprise de la maison. Ce qui les rend difficile à dater : seul un expert peut alors le faire, grâce aux techniques qui ne sont plus les mêmes. » C‘est le cas du bracelet « Écailles » et de la bague « Quatre Corps » caractérisés par des motifs répétitifs, apparus dès les années 40. La seule réédition que l’on ne peut pas dater est le bracelet ouvert « Torque » né en 1928, en argent terminé par des boules d’or, car de tous temps il a été réalisé à la main.

 

Thomas Torroni-Levene et les archives Boivin

Ce qu’il faut savoir avant d’acheter un bijou Boivin

 

Pourquoi les années 80-90 de Boivin sont-elles méconnues ?

La création Boivin des années 80-90 a pâti du désamour pour le style de cette époque, en général. Heureusement, cela change… Elle a aussi été pénalisée par l’auteur qui, après la publication de son livre (en 1994), se refusera à authentifier les pièces postérieures à 1970. Et l’empreinte laissée par les deux créatrices précédentes n’a fait qu’accentuer ce phénomène. L’intérêt porté à la grande Suzanne Belperron est tel… Comment exister face à un tel talent et un tel charisme ? Comment rivaliser avec celle qui a créé les bases d’un style et dont les bijoux sont collectionnés par les plus grands ? Juliette Moutard qui lui a succédé en 1932, prend aussi beaucoup de place dans l’histoire de René Boivin. Pendant 40 ans, elle a imprimé sa patte et imaginé des bijoux emblématiques comme la broche étoile de mer. Le livre à venir en 2025, basé sur les archives, va donc enfin rendre justice au travail fait dans ces années-là.

 

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