Style
28 septembre 2021
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Bijoux de doigts, quand les bagues mutent…
Oubliez les timides anneaux, les solitaires classiques et même les bagues cocktail. De nouveaux ornements de doigts apparaissent, sortes de prolongements aussi spectaculaires que fabuleux d’un corps mutant.
Par Sandrine Merle.
Des bagues entièrement articulées et se terminant en pointe recouvrent entièrement chaque doigt de la main. Chez Merce Jewelry, un fil d’argent sorti de sous l’annulaire se recourbe sur l’ongle. Chez Angostura, on dirait aussi que de l’or a coulé entre les phalanges de l’index et du pouce. Et ce ne sont pas les plus spectaculaires… Un capuchon enfilé sur l’extrémité comme un doigtier est parfois prolongé d’éléments fort inquiétants se déployant dans l’espace.
Le métal comme une seconde peau
Les purs et durs choisiront des modèles chez le roi des bijoux moulés directement sur le corps : Taro Hanabusa, fondateur de la marque de bijoux anatomiques Fangophilia et dentiste de formation. Il exerce encore à Tokyo mais obsédé par les modifications du corps, il passe aujourd’hui plus de temps à utiliser ses techniques de modélisation pour réaliser des bijoux qu’à faire des prothèses dentaires ! Et les siens (dont raffolent Lady Gaga, Marylin Manson, Niki Minaj ou encore la rappeuse Cardi B.) pourraient parfaitement réparer les vivants. Car pourquoi pas demain des designers-prothésistes ? Il a une quinzaine d’années déjà, la créatrice Jasmine Alexander avait imaginé un doigt-bijou pour compenser celui qui lui manquait.
Doigtiers poétiques
En version plus poétique, voici le bijou de doigt capuchon en vermeil ou en argent comme un bout de gant en laiton doré, en bronze ou en argent. Il se trouve chez Schiaparelli ou chez l’italienne Angostura, les doigts en chair et en os disparaissent sous des gaines dorées en trompe l’œil, doté de plis et d’empreintes digitales. A moins qu’ils n’aient été trempés dans un bain d’or car ils sont d’un réalisme fou. A la frontière avec l’art contemporain, ils évoquent le pouce de César et les doigts-sculpture en cuivre galvanique des Lalanne pour Yves Saint Laurent. Au bout se déploient des feuillages ondoyants typiques de leur univers onirique. C’était il y a plus de 60 ans et c’est seulement aujourd’hui que les créateurs s’en inspirent…
Armes fabuleuses
Pour Daniel Roseberry, directeur artistique de la maison Schiaparelli, « les bijoux sont autant des armures qu’un ornement ». Ainsi ses doigts en plaqué or se terminent par des ongles interminables qui se métamorphosent en tentacules ondoyantes et menaçantes. Elles semblent prêtes à happer le premier qui passe. Complètement serties de cristaux taillés comme des pierres précieuses, les bagues de EGONlab portées en accumulation (une à chaque doigt) font penser à une armure de chevalier partant en croisade. Les doigts ainsi caparaçonnés peuvent aller à tous les combats… Quant aux ongles de Rohan Mirza, hybride entre designer de bijoux et nail artist, ils figurent des aliens hérissés de pics, d’épines dorsales, des créatures non identifiables grouillantes pourvues de griffes et d’aiguilles. Entre la limace et la chenille, elles donnent des frissons dans le dos.
Notre corps peut être de plus en plus facilement modifié. Avec ces ornements de doigts, les designers de bijoux malmènent les frontières entre le physique et la mécanique. Elles nous connectent aussi avec l’ailleurs, des univers oniriques ou fantastiques. On pense à Edouard aux mains d’argent dans le film éponyme de Tim Burton ou aux parures de doigts et d’orteils en or découvertes dans les tombes des femmes de Touthmôsis III plus d’un siècle avant J.-C. En or pur (couleur de la chair des dieux) elles ne servaient, elles, qu’à l’ultime voyage.
Image en bannière : EGONlab
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