Itinéraires joailliers
30 novembre 2021
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« La Colonne Vendôme » à la loupe, aux éditions Norma
La colonne Vendôme n’est pas seulement un monument à la gloire de Napoléon, elle est devenue au fil des siècles indissociable de la joaillerie française. D’où mon intérêt pour ce livre et le travail du photographe David Bordes : il a réalisé le corpus de la frise qui s’enroule jusqu’au sommet. Pas un détail ne lui a échappé !
Par Sandrine Merle.
Sandrine Merle. Ce livre édité par Norma se focalise sur la frise de la colonne Vendôme alors qu’on a d’yeux généralement que pour sa verticalité et la statue de Napoléon à son sommet !
David Bordes. Quand Christophe Bottineau, l’architecte en charge de la restauration, m’a demandé de photographier le travail des patines du bronze, j’ai eu une certitude : c’était le moment ou jamais de réaliser ce gigantesque corpus qui n’existait alors qu’en gravure (d’ailleurs publiées dans le livre). J’ai photographié la frise dans le sens inverse de la lecture : entre octobre et novembre 2015, accroché à un harnais, je grimpais tous les jours au point le plus haut de l’échafaudage. Au début, je pouvais toucher Napoléon puis je me suis éloigné au fur et à mesure que les ouvriers démontaient les étages.
S.-M. Vous n’avez pas négligé un centimètre carré de la frise, comment avez-vous procédé ?
David Bordes. Les photos sont prises frontalement à l’Hasselblad moyen format, le numérique n’aurait pas permis de sentir la matière ni de rendre les volumes. Un simple morceau de bois me servait de jauge pour rester toujours à la même distance de la plaque de bronze. Pour ne rien manquer, j’ai pris les photos de façon à ce qu’elles se superposent d’un quart : ainsi tel personnage placé sur le bord gauche devenait le milieu de l’image suivante. Et j’ai eu de la chance : pendant ce mois de novembre 2015, il n’y a pas eu trop de variations météorologiques.
S.-M. Cette colonne, considérée comme un des plus beaux ensembles sculptés au monde, était-elle en mauvais état ?
David Bordes. La structure était bonne mais les plaques de bronze encrassées : il fallait nettoyer les tâches noires tout en préservant sa couleur dans des camaïeux de verts. Car il n’était pas question de supprimer cette patine naturelle, elle est indissociable de la colonne et toutes ces nuances participent à la lisibilité de la frise ! Des études ont permis de découvrir qu’elles sont dues à l’hétérogénéité des bronzes utilisés : ils proviennent des canons pris à l’ennemi autrichien mais ils ont été fabriqués à différentes périodes dans différentes fonderies et donc les alliages varient.
S.-M. La frise est comme une sorte de bande dessinée, avec un début et une fin, des personnages…
David Bordes. C’est un hommage à la Grande Armée. En bas, elle part du camp de Boulogne-sur-Mer pour vaincre la 3e coalition à l’Est. Quelques semaines plus tard, elle remporte la bataille d’Austerlitz, l’une des plus grandes victoires de l’histoire militaire. Tout en haut, la frise se termine avec le traité de paix de Tilsit, en 1807, mettant fin aux hostilités alors que Napoléon a battu les empereurs d’Autriche et de Russie. Ce n’est donc qu’une partie de l’épopée napoléonienne qui se termine, elle, en 1815.
S.-M. Et entre les deux ?
David Bordes. Sur 250 mètres linéaires, se déploient le départ d’Utrecht, la traversée du Rhin, etc. Des chevaux piétinent les morts. Napoléon reçoit les clés de Vienne. On reconnaît des maréchaux comme Lannes, Augereau (en couverture du livre), Murat ou encore Bernadotte. Les détails des uniformes, des armes sont d’une incroyable précision. Il y a des milliers de simples grenadiers, de grognards et même des musiciens. Dans les scènes de la vie quotidienne des troupes, on distingue aussi des femmes portant les victuailles et encore plus surprenant, des enfants dont un nouveau-né brandi par un religieux. Malgré l’homogénéité de la frise, un œil averti perçoit des différences entre les sculpteurs : parmi les 32 employés par Vivant Denon, tous n’avaient pas le même talent !
S.-M. Le livre, accessible et rempli d’anecdotes, ne traite pas seulement de la restauration de la colonne Vendôme.
David Bordes. En effet, les différents auteurs, Jean-Paul Nerrière, Claire Maingon, Antoine de Meaux ou encore Laurent Baridon, reviennent sur son histoire, sur sa démolition pendant la Commune et sa reconstruction, sur les sculpteurs qui ont réalisé cette frise et surtout sur la Grande Armée de Napoléon avec son fonctionnement, la biographie de ses grands personnages ou encore les armes qu’elle employait. Une page d’histoire à ciel ouvert.
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