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21 septembre 2021
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Vever, le renouveau de l’Art nouveau?
Le grand public a longtemps associé l’Art nouveau à René Lalique mais il y avait un autre nom incontournable : Henri Vever. Disparue en 1982, la maison est aujourd’hui ressuscitée par Camille Vever et Damien Vever, deux de ses descendants.
Par Sandrine Merle.
Les jumeaux Camille et Damien Vever sont les représentants de la 7e génération de la dynastie joaillière née en 1821. Ils n’ont évidemment pas connu Henri Vever (représentant de la troisième génération et auquel j’ai consacré un long article), celui qui a porté la maison au sommet pendant la période Art nouveau avec son frère Paul. Ils sont les descendants de ce dernier : son petit-fils, Bernard, était leur grand-père (5e génération) celui qui a fermé définitivement la maison, en 1982. Ils n’ont alors que 3 ans. « Lui et mon père parlaient beaucoup de Vever. Ma grand-mère m’a offert pour mes 16 ans, une petite barrette dans son écrin. » Quelques années plus tard et une carrière dans la finance, elle s’est enfin décidée à relancer la maison.
Henri Vever, joaillier de l’Art Nouveau
Le nouveau Vever
Pour réussir ce come-back, Camille et Damien Vever suivent la règle qui prévaut en la matière : respecter l’ADN tout en modernisant le design. La directrice artistique Sandrine De Laage (ex Harry Winston) reprend ainsi le thème central, celui qui a permis à Henri Vever de gagner de nombreux prix : la femme hybridée avec la flore et la faune avec toujours ces lignes sinueuses et l’émail en majesté. La pièce majeure, l’ »Impératrice », est inspirée du sublime pendentif « Sylvia » visible à la galerie des bijoux du Musée des Arts Déco (avec une soixantaine d’autres pièces). Mais elle est très différente, extrêmement simplifiée et plus aérienne, beaucoup moins corsetée. On trouve aussi des pièces complètement XXIe siècle comme des petites bagues ondoyantes à accumuler et ce bracelet dont le fil d’or se déploie et se ferme en s’enroulant autour du diamant.
« Entreprise à mission »
La modernisation du style Art nouveau de Vever passe aussi par le choix des matériaux. Pour la version 2021, Camille Vever n’a voulu que de l’or recyclé, de l’ivoire végétal et des diamants de synthèse dont le plus important pèse 3 carats. Hormis les diamants de synthèse, tout est réalisé en France comme l’émail à jour, translucide œuvre de Sandrine Teissier, Meilleur Ouvrier de France, à la tête d’un atelier familial classé Patrimoine Vivant. Quant à la production, elle est faite sur commande pour éviter tout stock inutile. Pour Camille Vever, « ces choix font écho à l’audace du mouvement Art nouveau » car Vever (mais aussi Lalique et Lucien Gaillard) utilisaient alors des matériaux inhabituels dont la corne, l’opale et l’émail méprisés par les joailliers.
Joint-venture avec Luximpact
L’univers du bijou recense peu de come-backs contrairement à la mode (Christian Dior, Givenchy, Balmain, Carven, etc.) et les rares tentatives ne sont guère couronnées de succès. On pense à Suzanne Belperron reprise par les Landrigan ou à Lalique aujourd’hui propriété de Silvio Denz. Le défi est de taille mais Camille Vever réunit de nombreux atouts. Elle s’appuie sur différents types d’investisseurs composé de particuliers et d’un tout nouveau fond centré sur les entreprises à mission, Luximpact. A la tête de ce dernier, des pros de la joaillerie venus de Cartier et Harry Winston : Coralie de Fontenay, Frédéric de Narp et Sandrine de Laage. Mais surtout sa démarche est sincère, elle et son frère faisant partie de cette dynastie. Les conditions semblent réunies pour le succès qu’on leur souhaite.
A découvrir chez Sotheby’s avec une exposition-vente du 24 au 28 Septembre et une conférence le 27 Septembre 2021.