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15 janvier 2024
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L’engouement pour le trunk show
Le trunk show est au créateur ce que le concert est au musicien : une façon de rencontrer son public et de générer des ventes. Très pratiqué depuis longtemps aux US et en Asie, le concept prend maintenant une immense ampleur en Europe.
Par Sandrine Merle.
Miami, NYC, Dallas, Seattle, Hong Kong, Paris, Beyrouth… Les créateurs sillonnent la planète pour booster les ventes de leurs bijoux lors de trunk shows organisés chez leurs revendeurs. À Paris, Stéphanie Roger fondatrice des boutiques multimarques WhiteBird, explique : « le créateur vient pour présenter en personne, aux clientes, des nouvelles pièces ou des pièces uniques en plus de la sélection que je propose. » Pour le créateur qui repart généralement avec ses pièces, il s’agit aussi de raconter son histoire, son inspiration, la façon dont il les fabrique. « Qui peut mieux le faire que Sylvie Corbelin ou Vishal Kothari eux-mêmes ? », explique Lionel Geneste business strategist qui organise leurs « marathons » américains.
Le trunk show des années 2000
Le concept de trunk show (trunk signifiant la malle) n’est pas nouveau. Il vient des Etats-Unis où il était déjà en vogue au début des années 2000. « Je faisais le tour des boutiques deux fois par an en commençant par San Francisco et en finissant par Palm Beach en passant par New-York, se souvient le créateur Taher Chemirik. J’avais la sensation d’être follement désiré, j’étais invité par les plus grandes boutiques comme Barney’s ou Janet Brown à Long Island. J’étais reçu comme un prince, elles venaient me chercher en limousine et organisaient des dîners dans des lieux somptueux pour les clientes souvent accompagnées de leurs époux. Je faisais même l’objet d’une campagne d’affichage dans la ville ! »
Le trunk show aujourd’hui
Le concept s’est considérablement démocratisé : « post COVID, les trunk shows se sont multipliés au point que, dans certaines boutiques américaines, il peut y en avoir trois par semaine », explique Lionel Geneste. Tous les professionnels estiment qu’ils sont la suite logique du dépôt, qu’ils réconcilient en quelque sorte les boutiques qui ne prennent plus le risque d’acheter les bijoux (à de rares exceptions) et les créateurs qui en ont assez et ne veulent/peuvent plus immobiliser de stock. « La cliente, elle aussi, est ravie car il s’agit d’un évènement social qui permet de la flatter, de lui donner l’impression qu’elle est unique quand elle rencontre le créateur ou dîne avec lui, en petit comité », explique Valery Demure consultante et galeriste.
Un risque d’overdose ?
Sylvie Corbelin chez Just One Eye ou chez Cayen. Marie Lichtenberg chez Marissa. Brooke Gregson, Karen Liberma, Sia Taylor, Hum chez WhiteBird à Paris. Fernando Jorge ou Elie Top chez Sylvie Saliba à Beyrouth. Cloto chez Objet d’Emotion ou A’Maree’s à Newport. Le trunk show est devenu un passage obligé dont certains, d’ailleurs, font grand usage. Mais comme toutes les excellentes recettes, elle ne peut pas être reproduite à l’infini au risque de s’affadir. Les boutiques, saturées de demandes, ont tendance à devenir passives et à se reposer entièrement sur le créateur pour promouvoir et financer l’évènement. « Maintenant même en plein centre de NYC, un trunk show insuffisamment préparé n’attire plus les foules », prévient le créateur libanais Sélim Mouzannar. Trop sollicitées, les clientes se sont lassées… « Aux Etats-Unis, force est de constater qu’elles n’ont plus autant envie de consommer. Et la jeune génération s’en fiche : elle préfère souvent acheter sur photo », constate Lionel Geneste qui, aujourd’hui, parie sur des évènements moins commerciaux.
De l’avenir du trunk show
Trop de trunkshows va tuer le trunk show ? L’exceptionnel risque-t-il de devenir banalité ? Pour tenter d’éviter dévaluation et essoufflement du concept, quelques précautions s’imposent : « je ne fais pas plus d’une dizaine de trunk shows par an répartis dans mes trois boutiques, prévient Stéphanie Roger. Je veille à ne pas solliciter toujours les mêmes clientes en leur présentant des créateurs en adéquation avec leurs goûts. Sachant que je ne fais pas de trunk shows avec tous les créateurs que je représente. » Toujours est-il que le « trunk show reste incontournable surtout à l’étranger » pour Marie Lichtenberg. Et donc, les créateurs bankables doivent s’avérer infatigables et libres comme l’air pour être capable de faire le tour de la planète plusieurs fois par an !
Article relatif à ce sujet :
Le consignment, un obstacle pour la création – Valery Demure
Image en bannière : trunk show Kloto chez Objet d’Émotion, Londres