Business
09 mars 2022
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Le business model digital de Sophie d’Agon
Sophie Lepourry a lancé la marque de bijoux Sophie d’Agon, il y a 5 ans. Elle revient sur la stratégie digitale qui l’a menée au succès et à l’ouverture de sa première boutique parisienne.
Sandrine Merle. Vous venez d’ouvrir votre première boutique physique où l’on peut acheter vos bijoux accessibles, délicats et pavés de micro-pierres de couleur. Était-ce indispensable pour Sophie d’Agon une digital native brand qui, en 5 ans, a atteint le million d’euros de chiffre d’affaire ?
Sophie Lepourry. Ma stratégie digitale, réfléchie et construite, a été essentielle dans le lancement et le développement de la marque. Les ventes online constituent aujourd’hui 90% de mon chiffre d’affaire (le double par rapport à l’année dernière). Mais le point de vente physique s’avère indispensable pour rassurer les clients.
S.-M. En quoi votre expérience chez Prada puis chez Saint Laurent (avec Tom Ford puis Hedi Slimane) a-t-elle été déterminante ?
Sophie Lepourry. Chez Prada, j’étais en charge des achats sacs et accessoires pour la France et l’Angleterre ; chez Saint Laurent, je coordonnais les bureaux d’achats de Paris, New-York, Tokyo, Shanghai. Ces deux jobs m’ont donné une compétence transversale allant des achats au merchandising en passant par la communication. Chez Saint Laurent, j’ai découvert la puissance du digital à partir des années 2000 en travaillant avec Net-à-Porter, site pionnier dans la vente d’articles de mode de luxe : les acheteurs s’inspiraient de nos sélections boutique et très vite, on s’est inspiré de la leur car ils achetaient de plus en plus de pièces, de plus en plus chères. J’ai réalisé que le prix n’était plus un frein…
S.-M. Et après, concrètement ?
Sophie Lepourry. Après ces jobs stables et bien rémunérés, c’était le grand saut dans l’inconnu… J’ai donc fait le maximum pour me rassurer ! Mon approche a été business avant tout : étude de marché et de prix, ateliers de création entreprise, rencontres avec des acteurs de la joaillerie, etc. Le développement de mon audience Instagram, en amont, a été essentiel : avec 10K de followers, j’ai pu tester l’engouement pour les premiers modèles et plus globalement sur le style. Sans retour positif, je ne me serais sûrement pas lancée ! Je m’en souviens comme si c’était hier, j’étais en Inde, j’étais très fébrile…
S.-M. Comment avez-vous financé les débuts de votre aventure joaillière ?
Sophie Lepourry. D’abord grâce à mes économies et au love money. J’ai réalisé une deuxième levée de fonds plus conséquente à laquelle ont participé beaucoup d’anciens collègues de Saint Laurent. Ça m’a beaucoup touchée… Aujourd’hui, je cherche à en faire une nouvelle d’un million d’euros. Je recrute aussi un business developper : j’ai besoin de plus de temps pour la création et la communication. À deux, on est plus fort.
S.-M. En quoi le digital est-il un atout pour Sophie d’Agon ?
Sophie Lepourry. N’ayant plus d’intermédiaires (les revendeurs), j’ai pu contraindre les marges au maximum et atteindre le positionnement prix accessible auquel je tenais tant : on peut facilement s’offrir un bijou Sophie d’Agon, juste parce qu’on en a envie sans attendre une occasion particulière. Une bague coûte en moyenne 1 000 euros. Le digital me permet aussi de suivre mes ventes en temps réel, de les analyser et d’ajuster rapidement mes actions. Ceci dit, le Made in Portugal participe aussi à ce positionnement prix : en France, le sertissage d’une seule micro pierre coûte 6 euros (sans l’or et la pierre) ! Imaginez donc le prix de revient d’une bague comme « Yellow Stone » mon best-seller.
S.-M. Finalement que pensez-vous de la récente déclaration du ministre de l’économie Bruno Lemaire : « nous vivrions très bien sans Facebook » ?
Sophie Lepourry. Les réseaux sociaux de Mark Zuckerberg sont des outils extraordinaires, sans eux Sophie d’Agon n’existerait probablement pas. S’il les supprimait en Europe, ça serait horrible mais ils seraient rapidement remplacés. Il existe déjà des alternatives efficaces comme Google Ads ou Google Shopping. Pinterest et LinkedIn proposent également des politiques de prospection et d’acquisition. Beaucoup de marques utilisent maintenant TikTok ! Donc pas de panique pour les digital native brands.
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