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26 février 2019
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Le poinçon en question
Le minuscule poinçon de maître, dont à-priori personne ne se soucie, risque d’être supprimé. C’est pourtant une catastrophe.
Ce poinçon en forme de losange vertical ou horizontal dans lequel figurent les initiales de l’atelier ainsi qu’un symbole qui lui est propre, est une spécificité française. A ne pas confondre avec la signature de la marque ou le poinçon de titre obligatoire indiquant la nature du métal.
Une signature
« Il est la signature de l’atelier qui a fabriqué le bijou, le garant de la traçabilité », estime Violaine d’Astorg responsable du département joaillerie de Christie’s Paris. Il est aujourd’hui question de le rendre facultatif dans le cadre de la loi PACTE. Motif invoqué : l’allègement des formalités administratives. Cette approche administrative et comptable fait fi du rôle et de l’importance de cette minuscule empreinte.
Synonyme d’excellence française
Grâce au poinçon, on sait quel atelier a fabriqué le bijou : il est garant d’une excellence française qui remonte à la Renaissance, période pendant laquelle l’Europe entière vient déjà à Paris pour faire fabriquer ses bijoux. Sous Louis XIV qui passe des commandes extravagantes et fait réaliser les somptueux joyaux de la Couronne, les artisans deviennent des experts dans l’art de mettre en valeur les pierres. Dans les années 30, leur réputation atteint son apogée : sollicités par les maharadjas, les héritières américaines… Les artisans mettent au point de nouvelles tailles de pierres, découvre l’or gris et le platine ou inventent le serti Mystérieux, l’une des techniques les plus incroyables consistant à faire disparaître la monture et donner l’impression que les pierres tiennent par magie.
Un indice précieux
Le poinçon apposé sur la tranche d’un bracelet ou dans la bague est l’un des indices-clés pour l’expert (avec le carnet de commande ou parfois l’écrin). « Il permet de retracer, comme l’aurait fait Sherlock Holmes, l’origine d’un bijou », explique l’un d’entre eux. Ce qui explique pourquoi ils sont entourés de tant de secrets … L’expert sait donc que les ateliers Cristofol et Davière officiaient pour Boivin, que celui de la Veuve Renaud dans les années 1920-25 était celui de Cartier. « Les poinçons des divers ateliers Dardé sont des éléments incontestables pour identifier les bijoux de Suzanne Belperron qu’elle ne signait jamais », explique Olivier Baroin. En l’absence de ce poinçon, c’est plus compliqué… « Mellerio a probablement réalisé le magnifique bracelet en camées ayant appartenu à Marie-Antoinette, explique le joaillier. Mais un doute persiste uniquement parce que le poinçon a été effacé avec le temps. »
Marques et ateliers
Le poinçon de maître peut avoir un immense impact sur la valeur d’un bijou. Il n’y a pas seulement le dessin, l’or et les pierres : il y a aussi la main de l’atelier, sa façon de réaliser un sertissage, de ciseler ou encore d’émailler. Sur une gourmette Hermès, le poinçon Georges Lenfant est le nec plus ultra pour les collectionneurs. Cet atelier français est l’un des plus réputé au monde, il savait sublimer un dessin par un serti hyper délicat, restituer la fluidité d’un collier ou mettre au point un fermoir invisible. Il était surtout un grand spécialiste de la chaîne.
Une catastrophe
A l’origine, le poinçon de maître n’a aucune fonction esthétique, marketing ou commerciale : aujourd’hui, il est le garant du Made in France, cet immense avantage compétitif. Sans poinçon, c’est la mort annoncée des ateliers français et de notre excellence. « C’est une catastrophe, à la fois pour les professionnels et les acheteurs », alarme Violaine d’Astorg. Sans poinçon c’est la perte de la traçabilité, la porte ouverte à la contrefaçon. Les marques seront aussi tentées de délocaliser dans des pays à la main d’œuvre meilleur marché et de moindre qualité.
Avec ou sans loi, les ateliers parisiens doivent donc continuer d’apposer leur poinçon de maître. Question de survie.
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