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19 décembre 2019
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Mauboussin, des palais au métro
Deux évènements mettent aujourd’hui en lumière les ups and downs du joaillier Mauboussin.
Alors que le groupe Galeries Lafayette est devenu l’actionnaire majoritaire de Mauboussin, connu pour faire ses bijoux accessibles (avec des bagues à partir de 495 euros, des alliances à partir de 195 euros) et ses publicités dans le métro, l’exposition du MAD consacrée au maharadja d’Indore rappelle que dans les années 30, ce joaillier fut un fleuron de la haute joaillerie française.
Mauboussin, le fleuron de l’art déco
Les années 20 ont été déterminantes dans l’histoire du joaillier : Georges Mauboussin (qui a repris l’atelier de son oncle) multiplie le chiffre d’affaires par quatre. Le nombre d’employés quadruple. Il organise entre 1928 et 1933, trois expositions majeures respectivement consacrées à l’émeraude (comprenant 235 bijoux dont celle de 24 carats offerte par Bonaparte à Joséphine), au rubis et enfin au diamant. De quoi impressionner les magazines comme les clients qui affluent devant les vitrines et dans les salons de la rue de Choiseul. Sa réputation est faite : on y croise le maharadja de Kapurtiala, artistes, écrivains ou encore le prince de Galles.
Mauboussin, l’affirmation du style
Le joaillier bénéficiant de ses propres ateliers, il expérimente, invente et dépose des brevets pour des boîtes, des montres, etc. Il imagine des bijoux inspirés par l’aéronautique et la mécanique, en volume avec des diamants taille baguette à degrés, des montres sculptées dans du cristal de roche, etc. Ce qui lui vaut décorations et récompenses lors des nombreuses expositions. Il devient le joaillier officiel du maharadja d’Indore pour qui il monte les deux diamants taille poire hérités de son père, en collier. Celui que porte la maharani d’Indore sur le portrait de Bernard Boutet de Monvel exposé au MAD.
A New-York, Trabert & Hoeffer-Mauboussin
Mauboussin ouvre sa boutique de NYC le 1er octobre 1929, quelques jours avant le gigantesque crash boursier. Pour s’en sortir, la filiale conclut un accord commercial (de 1936 à 1953) avec le joaillier new-yorkais Trabert & Hoeffer : « on peut y acheter des bijoux sans passer par Paris », écrit Marguerite de Cerval*. Marlène Dietrich y acquiert deux magnifiques bracelets en émeraudes, Charlie Chaplin une manchette destinée à consoler Paulette Godard qui n’a pas été choisie pour jouer Scarlett O’Hara. Cette collaboration donne aussi naissance aux fameux bijoux « Reflection » innovants par leurs formes géométriques à agencer selon son goût.
La fin de l’entreprise familiale Mauboussin
Pendant les années 70-80, les frères Alain et Patrick Mauboussin développent le chiffre d’affaire à l’étranger, notamment avec les acheteurs richissimes du Moyen-Orient. En 1998, le sultan de Brunei (qui réalise à lui tout seul 80% de ce chiffre d’affaire) stoppe soudainement ses commandes. Malgré le succès commercial de la bague Nadia (contraction de Nacre et Diamant), la maison frôle la faillite. Son salut passe par le l’homme d’affaire Dominique Frémont qui, à partir de 2002, mène une stratégie de démocratisation avec son PDG, Alain Nemarq. Ce dernier coupe dans les coûts avec une fabrication majoritairement asiatique, la fermeture de boutiques comme celle, historique, de la place Vendôme, l’absence de créatifs, etc. Il mise sur un renouvellement rapide des modèles avec une communication grand public à la télévision et dans le métro. Le monde de la joaillerie ne lui pardonnera pas de briser d’autres tabous : les soldes et l’affichage des prix sur ses publicités.
Mauboussin, aujourd’hui
Cette stratégie combinée à des millions d’investissement en communication a porté ses fruits : « la rentabilité de Mauboussin qui annonce 80 millions de chiffre d’affaire est impressionnante et continue d’augmenter », selon un professionnel bien informé. Les puristes peuvent toujours regretter la rupture de Mauboussin avec son glorieux passé : pour le grand public, ce nom reste synonyme de prestige.
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