Business
06 mai 2019
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Emmanuel Piat, négociant en pierres de couleur
Pour le grand public, GemGenève est l’occasion d’entrer dans le monde de professionnels passionnants mais généralement très discrets comme le négociant parisien en pierres de couleur, Emmanuel Piat.
Sandrine Merle. Quelles pierres présentez-vous à GemGenève ?
Emmanuel Piat. Je suis spécialisé dans les très belles pierres de centre non chauffées et non traitées, recherchées par mes clients de la place Vendôme. Je vais également présenter des saphirs de la mine d’Umba en Tanzanie aux nuances grises rares qui à tort, ont longtemps été déjugées. Vous savez, il existe une variété infinie de pierres de couleur mais la production de qualité est rare. Il y a quelques années, un client de mon père voulait tapisser la salle de bain de son yacht en lapis-lazuli : cela s’est avéré impossible, faute de matière. Alors qu’en diamants, je vous assure qu’il n’y aurait eu aucun problème.
S.M. Vous restez bien évasif sur vos plus belles pierres. Seront-elles dans vos vitrines à GemGenève ?
Emmanuel Piat. Elles seront bien sûr à GemGenève mais pas en vitrine : je ne les propose qu’aux clients susceptibles d’être intéressés. La raison : si certaines n’étaient pas vendues dans un an, le client se dirait que personne n’en a voulues et donc qu’il y a un problème. De la même façon, un bijou trop vu perd de la valeur auprès de certains clients. Ceci dit, il faut aujourd’hui être visible et donc trouver un équilibre : dorénavant notre stock classé par pierre, origine, poids, etc. est accessible en ligne aux professionnels du monde entier.
S.M. Votre métier doit faire face à de grandes évolutions…
Emmanuel Piat. Tout bouge en effet très vite : les réseaux de production et de clients, les traitements gemmologiques, les normes éthiques, etc. Pour rester compétitif, j’ai entre autres développé un atelier lapidaire à Paris permettant de sublimer les gemmes et un atelier de petites pierres calibrées pour l’horlogerie, à Bangkok. J’ai aussi mis au point un produit financier basé sur les pierres de couleur dont la courbe de croissance sur les 15 dernières années est incroyable : les prix des 10 meilleurs lots dans les enchères principales ont connu une progression de plus de 10% par an. Investir dans des pierres précieuses reste un sujet tabou car les tentatives ont rarement été couronnées de succès. Sans compter les escroqueries…
S.M. Qu’en est-il de l’image du négociant crapahutant dans la mine ?
Emmanuel Piat. Aller sur le terrain pour court-circuiter les intermédiaires est un challenge que tous les jeunes négociants en pierres tentent de relever. J’ai aussi fait cette erreur en 1998 en allant à Mogok, persuadé d’avoir ainsi accès aux plus belles gemmes et aux meilleurs prix. C’est loin d’être le cas, au contraire cela favorise les erreurs. Mieux vaut travailler avec un bon intermédiaire en ville ! Le talent consiste aussi à profiter du stock d’un concurrent, à le voir avec un œil neuf en détectant le potentiel d’une pierre que lui n’a pas perçu. Les professionnels ont l’habitude de dire que dans tout stock, il y a une bonne affaire !
S.M. Dans le registre des erreurs, vous dites par exemple qu’un rubis ne s’achète jamais l’après-midi.
Emmanuel Piat. Imaginons que vous soyez à Bangkok : le rouge d’un rubis, sublime en plein après-midi, apparaitra beaucoup plus noir le lendemain matin car l’influence de la lumière est phénoménale. Certaines pierres de couleur sont plus belles sous certaines tropiques que d’autres : à mon goût, le rubis sang-de-pigeon est bien trop foncé pour nos latitudes, mieux vaut choisir une nuance plus claire. L’idéal est d’acheter les pierres dans son bureau en les comparant entre elles. Et surtout ne jamais confondre valeur et nuance !
GemGenève du 9 au 12 mai 2019
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