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22 janvier 2022
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Diamant de laboratoire : il va falloir compter avec lui !
Diamant de laboratoire contre diamant naturel. Et si les deux pouvaient cohabiter ? C’est ce qui se profile dans les prochaines années.
Par Sandrine Merle.
1/ 6 millions de carats
En 2020, 6 millions de carats de diamant de synthèse (dont la cristallisation est identique à celle du naturel) sont sortis d’un four, fabriqués seulement à partir de carbone soumis à température et pression extrêmes. D’ici 2030, on en prévoit près de 19,2 millions. Ce qui n’est pas absurde au regard de l’appétence et de la fascination chez les très jeunes. Malgré cette montée en puissance, on est encore loin des 140-150 millions de carats de diamant extraits chaque année dans les entrailles de la Terre, là où la pierre s’est formée il y a des milliards d’années sans aucune intervention de l’homme.
2/ 2018, grand tournant pour le diamant synthétique
Le marché est encore en train de s’organiser, des labels comme Carbone Neutral, Climate Neutral sont apparus ainsi qu’une association, l’équivalent de Only Natural Diamonds (composée des gros acteurs du diamant naturel). Pour Frédéric De Narp co-fondateur du fonds d’investissement Luximpact, « le grand tournant ne date que de 2018 quand De Beers, principal producteur de diamants naturels, lance la marque Light Box dédiée au lab-grown diamond : ce qui prouve la menace qu’il représente. » Même si le positionnement est fantaisie avec un prix cassé (800 dollars le carat) et une qualité moyenne. Parallèlement, le GIA délivre ses premiers certificats : le diamant de laboratoire est jugé sur la base des mêmes critères, les 4C, car il présente exactement la même composition chimique et la même cristallisation.
3/ Qui sont producteurs et consommateurs ?
La Chine et l’Inde sont les deux plus gros producteurs de diamants de laboratoire mais trop petits et de qualité médiocre, ils sont destinés à l’industrie. C’est donc en Russie et surtout aux États-Unis que les plus beaux, les plus gros sont produits (notamment par Diamond Foundry). Quant aux marchés, c’est celui des États-Unis qui en est le plus friand : la moitié des détaillants en propose aujourd’hui contre 10% il y a quatre ans. La Chine étant, elle, encore accaparée par le diamant constituant un retour sur investissement. Et la France dans tout ça ? La clientèle est encore frileuse et il n’existe qu’un seul laboratoire, Diam Concept lancée par une chercheuse du CNRS, Alix Gicquel. Tout nouveau, il n’est pas encore en mesure de fournir des pierres en série.
4/ Les convertis
Christelle Michel, à l’origine de DFLY, était une gemmologue-experte formée au laboratoire HRD à Anvers, une référence du diamant naturel : « le déclic a eu lieu quand j’ai pris deux lab-grown diamonds pour des naturels. Quelle énorme remise en question ». De fait, seule une machine spéciale est capable de détecter la différence ! Manuel Mallen, fondateur de la marque Courbet, est un ex de Piaget et de Poiray. Quant à Coralie de Fontenay, Frédéric de Narp et Sandrine de Laage, ex de Cartier et/ou d’Harry Winston, ils ont créé le fond d’investissement Luximpact destiné à faire revivre des joailliers français en intégrant la démarche responsable : le premier, Oscar Massin, était un joaillier du XIXe siècle qui n’avait évidemment jamais utilisé de diamants synthétiques !
5/ Quel est l’écart de prix entre les 2 ?
À poids et qualité égales, ce diamant de synthèse est aujourd’hui entre 40% (en boutique) et 75% (en gros) moins cher qu’un naturel. On peut donc s’offrir un peu plus de carat ! Seul l’avenir dira comment cela va évoluer… Le gap va-t-il s’accentuer avec le développement de la production ? Ce qui risquerait de le cantonner à la bijouterie fantaisie, sous la barre des $1 000 selon certains observateurs. Ceci dit, il est lui aussi soumis au phénomène de rareté : « il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour obtenir exactement ce que l’on veut, on ne maîtrise pas la cristallisation, explique Christelle Michel. Ce qui sort du four est une surprise. » Au-dessus de 10 carats, ce diamant est rarissime. Manuel Mallen est ainsi à la recherche de son spécimen de 15 carats depuis des mois !
6/ L’un est-il moins polluant que l’autre ?
Selon Only Natural Diamonds, il faut 160kg de CO2 pour produire un carat de diamant naturel contre 511kg pour un diamant synthétique, soit trois fois moins (2kg pour un tee-shirt, 136kg pour un Mac Book Air). De quoi faire bondir Alix Gicquel : « ces chiffres correspondent aux meilleurs cas de figure (c’est-à-dire les 7 mines les plus exemplaires) et au pire (les fours en Chine). Chez moi, l’impact est aujourd’hui de 20kg de CO2 par carat taillé car la France est un pays décarboné. » Attention : tous ces chiffres sont à revoir selon le niveau de décarbonisation du pays producteur, la technique de fabrication du diamant de synthèse : CVD (c’est-à-dire à basse pression) ou HPHT (à haute pression), la longueur de la chaîne de production, etc. Toutes les mines ne fonctionnent pas de la même façon, tous les fours non plus. Bien malin qui pourrait comparer les deux avec certitude…
7/ Et l’avenir ?
Sur les 80 milliards du marché de la joaillerie en diamants, les lab-grown ne représentent encore que 2,8 petits milliards. Mais on est à un point de basculement. Il y a de la place pour les deux car le marché du bijou est de plus en plus vaste. Il n’y aura probablement ni perdant, ni gagnant sauf si les producteurs font les mêmes erreurs (surproduction, qualité médiocre, mauvaise communication, etc.) que ceux de la perle de culture.
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