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04 octobre 2023

« L’expertise, un vrai métier », la conférence chez Sotheby’s

J’ai eu l’honneur de concevoir et de modérer la conférence « L’expertise, un vrai métier », initiée par Magali Teisseire (directrice du département joaillerie de Sotheby’s Paris). Compte-rendu de son échange passionnant avec Sylvie Buisson (experte de Léonard Foujita et présidente de l’Union Française des Experts) et Olivier Baroin (expert de Suzanne Belperron).

Par Sandrine Merle.

 

 

1/ Le certificat d’authenticité, la quête du Graal

Les acheteurs de bijoux (parmi lesquels figurent de plus en plus d’amateurs-investisseurs) veulent se rassurer avant d’acquérir un bijou vintage ou de collection. Ce dernier est souvent dépourvu de pedigree et de facture. Et la personne qui le dépose n’est pas forcément celle qui l’a reçu, acheté ou porté. S’engage alors une chasse aux informations dans laquelle tout indice doit permettre d’aboutir à un nom, un poinçon, une signature ou une numérotation. À la clé, se trouve un enjeu important puisque le prix peut énormément varier, il peut être multiplié par 2 mais aussi par 10 ou 20 pour certaines maisons !

 

2/ Quels sont les différents types d’expert ?

Rechercher l’expert fiable et compétent s’avère difficile car, avec Internet, ils se sont multipliés. Il faut savoir que l’expert généraliste, aussi compétent soit-il, peut avoir du mal à authentifier certains bijoux. Il fait alors appel à un expert plus spécialisé que Sylvie Buisson nomme « expert mandarin ». Il a généralement fait œuvre d’un catalogue raisonné, d’un livre. Le nec plus ultra : celui qui possède les archives comme Olivier Baroin pour Suzanne Belperron ou Thomas Torroni-Levene pour René Boivin. Ces différents experts travaillent souvent ensemble.

 

3/ Qu’est-ce qu’un bon expert ?

Pour Olivier Baroin, « être expert ne s’apprend pas, seule l’expérience permet de le devenir. Avant de racheter les archives de Suzanne Belperron, j’ai travaillé 25 ans en atelier de joaillerie où je me suis familiarisé avec les carnets de commandes, les techniques de fabrication, les dessins, les plâtres, etc. La combinaison des deux me permet de savoir si les ateliers qui travaillaient pour Suzanne Belperron ont pu réaliser la pièce en question, si elle l’a eue en main et livrée elle-même. » Autrement dit, un simple diplôme de gemmologie ou de joaillier ne fait pas l’expert.

 

4/ Les archives, une source unique

Dans l’authentification, les archives (où le moindre détail est consigné) sont essentielles. Pour le pendentif Georges Fouquet, signé mais atypique, Sotheby’s a fait appel à Florent Guérif : dans le cadre de sa thèse, ce dernier a accès aux archives de la maison, conservées par le Musée des Arts déco. Bingo : il a découvert que le joaillier a ajouté en 1922 une plaque d’onyx sous la résille conçue antérieurement. Il arrive qu’un joaillier détiennent ses propres archives mais qu’il ne veuille pas délivrer d’authentification : il faut alors se tourner vers le spécialiste. Pour Cartier, il s’agit d’Olivier Bachet auteur d’ouvrages de référence.

 

5/ Authentification : le cas de la broche Suzanne Belperron

L’absence de signature (rappelons que Suzanne Belperron ne signait jamais ses bijoux) et le poinçon de maître G&D (son atelier) ont été les premiers indices indiquant qu’il s’agissait bien d’un bijou de la créatrice. Autres preuves corroborant cette idée : le dessin, le plâtre présent dans les archives et des modèles similaires précédemment authentifiés. Seules les feuilles différaient, mais là encore Olivier Baroin les a rapprochées d’autres bijoux de la créatrice comportant des feuillages rigoureusement identiques. « Si la fabrication avait présenté le moindre détail suspect, je me serais abstenu ! », note Olivier Baroin. Cerise sur le gâteau, Magali Teisseire connaissait le nom de la cliente, figurant dans les registres entre 1951 et 1958.

 

Olivier Baroin, l’expert de Suzanne Belperron

 

6/ Que spécifie le certificat d’authenticité ?

C’est un engagement où figurent de nombreuses informations : le nom du joaillier, les matières, la provenance, la bibliographie, une éventuelle modification et bien sûr, la signature de l’expert. « Il peut arriver que certains certificats soient remis en question quand apparaissent de nouvelles archives comme c’est aujourd’hui le cas pour René Boivin », explique Magali Teisseire. Chez Sotheby’s, nous prenons en considération ces changements et les expliquons clairement à nos clients. »

 

5/ Quelle est la responsabilité de l’expert ?

Il faut donc être objectif et bien réfléchir avant de signer le certificat qui reste valable 10 ans. « Mais en fait il est éternel, il engage totalement », affirme Sylvie Buisson. L’acheteur qui prouve qu’une authentification est mauvaise peut se retourner contre la maison de vente aux enchères qui, elle, peut se retourner contre l’expert l’ayant délivrée. C’est la raison pour laquelle Sotheby’s n’a pas attribué une paire de boucles d’oreilles en perles et diamants à Cartier. Malgré la signature et le magnifique travail, de grosses soudures oxydées subsistent autour de l’attache. « Inconcevable dans cette maison », estime Magali Teisseire. Accident ? Transformation ratée ? Volonté de faire croire qu’il s’agit d’un bijou de Cartier ? Le motto d’Olivier Baroin est : « dans le doute, toujours s’abstenir ».

 

Faire expertiser son bijou ancien ou vintage : pourquoi et par qui ? 

 

6/ En conclusion

Surtout ne jamais faire appel au premier expert trouvé sur Google ! Il faut se renseigner, notamment auprès de l’Union Française des Experts dont les membres ont passé un grand oral sur leur capacité à analyser et à considérer les éléments qui mènent à la vérité. Mais c’est aussi aux clients, toujours plus exigeants, d’acheter et de vendre dans des circuits sûrs.

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